Magazine Il est surnommé le Che du Kosovo

Albin Kurti s’apprête à prendre les commandes

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AFP Publié 15 Février 2021 à 20:14

Albin Kurti, leader du mouvement “Selfdetermination”, le jour des élections législatives du 14 février 2021. © D.R
Albin Kurti, leader du mouvement “Selfdetermination”, le jour des élections législatives du 14 février 2021. © D.R

Il doit rassurer l’Occident : il n’est plus un leader d’émeutiers alors que le souvenir des gigantesques manifestations de VV, qui prenaient parfois un tour violent, reste vivace au Kosovo.

Il a connu l’intérieur d’une prison, a prôné l’émeute et aspergé le Parlement de gaz lacrymogènes : aujourd’hui, Albin Kurti est en pole position pour diriger le prochain gouvernement du Kosovo, après le triomphe de son parti réformateur aux législatives. Autrefois appelé le “Che Guevara du Kosovo” pour ses tactiques radicales, Albin Kurti a salué la “grande victoire” de son mouvement Vetevendosje (“Autodétermination”) ou VV, qui a obtenu dimanche près de 50% des suffrages. 

Il l’a martelé durant la campagne, il l’a redit après son succès : son chantier numéro un sera d’extirper la corruption qui ronge le Kosovo depuis plus de deux décennies. L’ancienne province serbe à majorité albanaise, l’une des régions les plus pauvres d’Europe, va prendre un nouveau départ, a-t-il déclaré sous la neige à Pristina devant ses partisans ravis, prévenant néanmoins que le chemin serait semé d’embûches.  

“Un gros travail nous attend car le pays connaît de multiples crises. La route sera longue”, a poursuivi ce chef charismatique aux redoutables talents d’orateur. “Cette élection était un référendum sur la justice et l’emploi, contre la corruption et la capture des ressources de l’État.” VV a reçu le renfort de la présidente par intérim Vjosa Osmani, 38 ans, symbole d’une classe politique nouvelle génération, qui a quitté la Ligue démocratique du Kosovo (LDK) de centre-droit. 
 
Antiélites 
Les deux sont devenus l’incarnation des espoirs de changement après le long règne des anciens commandants de la rébellion indépendantiste contre les forces serbes (1998-99), accusés de captation des ressources de l’État et de népotisme. Avec son nationalisme fervent et son programme fermement ancré à gauche, Vetevendjose est de longue date une force perturbatrice sur l’échiquier politique kosovar. VV a fait ses débuts comme visage d’une jeunesse qui se battait contre les élites au pouvoir et l’influence de l’étranger dans le Kosovo d’après-guerre, où des missions internationales étaient en charge de la transition vers l’État de droit.  

Dans l’arène électorale depuis 2011, Vetevendosje a monté progressivement en puissance, terminant premier aux précédentes législatives de 2019. Mais le gouvernement d’Albin Kurti n’avait duré qu’une cinquantaine de jours, renversé par une motion de censure introduite sous la pression des États-Unis. Ses supporteurs avaient alors évoqué “un coup d’État”. L’ancien leader étudiant aujourd’hui âgé de 45 ans s’est d’abord fait un nom dans la rue, dans les années 1990, en organisant des manifestations contre la répression exercée par le régime serbe à l’encontre de la majorité albanaise du Kosovo. 

Ce militantisme lui valut de passer deux ans dans les geôles de Slobodan Milosevic, alors qu’il était âgé d’une vingtaine d’années. Après la guerre, Albin Kurti devint l’une des principales voix de l’opposition aux dirigeants kosovars comme à la communauté internationale, maniant avec fougue une rhétorique anti-occidentale.  Aujourd’hui, il doit rassurer l’Occident : il n’est plus un leader d’émeutiers alors que le souvenir des gigantesques manifestations de VV, qui prenaient parfois un tour violent, reste vivace au Kosovo. 

Rassurer l’Occident  
Dans les pires incidents, survenus il y a une décennie, ses supporteurs renversaient des véhicules d’Eulex, la mission de l’Union européenne dans l’ancienne province serbe. Lors d’une manifestation, deux membres de VV furent tués par les balles en caoutchouc de la police de l’ONU. À plusieurs reprises en 2018, les députés du parti réformiste ont tiré des gaz lacrymogènes à l’intérieur du Parlement pour protester contre des projets de loi. 

Albin Kurti a été condamné pour ces incidents, ce qui lui a barré la route de la députation. Mais aux termes de la loi kosovare, cela ne l’empêchera pas de former un gouvernement. Pour former un gouvernement de coalition, il lui suffira d’obtenir le soutien des partis représentant les minorités, qui disposent de 20 sièges sur 120.  S’il devient Premier ministre, il aurait à poursuivre un difficile dialogue avec la Serbie, censé normaliser les relations avec Belgrade, qui refuse toujours de reconnaître l’indépendance de son ancienne province.  

Plus de vingt ans après la guerre, cette question non résolue est source de tensions dans la région et un obstacle aux rêves d’Union européenne de Belgrade comme de Pristina. Mais Albin Kurti a prévenu que les discussions avec la Serbie n’étaient pas en tête de son agenda. “Le dialogue est à la 6e ou 7e place pour les citoyens du Kosovo. Notre priorité, ce sont la justice et l’emploi.” 

 


 AFP 

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