Magazine Pas de champs, pas de nourriture ni de culture

Aux portes de Kinshasa, la menace de la faim

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AFP Publié 15 Février 2022 à 09:08

La grande majorité de la population a du mal à trouver de quoi se nourrir en quantité suffisante. © D.R
La grande majorité de la population a du mal à trouver de quoi se nourrir en quantité suffisante. © D.R

“Il est difficile de manger ici. Il n’y a pas de champs, pas de nourriture, la vie est dure”, se lamente Albertine Nzale, la grande cheffe coutumière de Kinduti, une localité rurale de la grande banlieue de Kinshasa.

Avec ses huttes en paille dépourvues de greniers, Kinduti est située au bout d’un tronçon cahoteux tracé au milieu de la savane dans la commune périphérique de Nsele, en République démocratique du Congo. Pas de cultures ni de ferme le long de ce trajet de 35 km, où l’on croise des hommes poussant sous un soleil de plomb des vélos hors d’âge chargés de sacs de charbon de bois. Albertine, 80 ans, s’inquiète pour l’avenir du village, en appelant à l’aide : “Il n’y a pas d’école, ni d’hôpital. Nous avons besoin d’outils, de machines agricoles pour cultiver la terre.” Ici, la grande majorité de la population a du mal a trouver de quoi se nourrir en quantité suffisante, selon les témoignages recueillis par l’AFP. 

En novembre, le Programme alimentaire mondial (PAM) et l’Organisation de l’ONU pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) ont alerté sur la crise alimentaire touchant, selon eux, le quart de la population de la RDC, soit près de 27 millions de personnes. Une situation touchant non seulement des régions en conflit mais aussi “les zones situées dans et autour de la capitale”. “Les champs sont parfois ravagés par les cochons sauvages”, mais certains habitants sont aussi “paresseux et impatients”, préférant dépendre de la fabrication de charbon de bois plutôt que de l’agriculture, s’agace Néron Mokili, infirmier du village. À Kinduti et ses environs, “tout le monde n’a pas de champ à cultiver, il faut donc acheter à manger auprès des propriétaires des terres, mais la plupart des gens n’ont pas assez d’argent”, nuance Fely Moba, un chef traditionnel de 58 ans. 

Les restrictions liées à la pandémie de Covid-19 (confinement, fermeture des marchés, couvre-feu) ont mis à mal l’économie de cette zone déjà fragile. En mars dernier, le PAM s’est associé à l’Unicef (Fonds des Nations unies pour l’enfance) et au gouvernement pour lancer un projet de distribution d’argent aux habitants, pour lutter contre la faim. Cette aide a couvert la période de mars à décembre 2021, avec un montant d’au moins 402 dollars par ménage. Avec ce projet de “distribution de cash” qui concerne “21 000 ménages et environ 130 000 bénéficiaires”, le PAM essaie de “changer les vies des gens et de les autonomiser”, explique à l’AFP sa chargée de programme en RDC, Mathilde Vaultier. 

L’argent ne circulait pas
Les bénéficiaires rencontrés à Kinduti disent avoir dépensé l’argent pour satisfaire leurs besoins de base, la nourriture, la scolarité des enfants, les soins de santé. Certains ont réussi à investir une partie de cette aide dans des activités plus pérennes et génératrices de revenus. C’est le cas d’Élisée Ngunza, 48 ans, détentrice d’une gargote. “Pendant le confinement, la situation était très difficile, l’argent ne circulait pas. L’aide du PAM m’a permis de payer les frais de scolarité des enfants et de renforcer mon commerce”, explique cette mère de 5 enfants. 

Comme elle, l’infirmier Néron Mokili, qui est aussi détenteur d’une pharmacie, affirme avoir investi l’argent dans l’agriculture. Agriculteur et propriétaire de 20 ha de forêt, Pululu Maimona dit de son côté avoir investi son argent dans son projet de pisciculture lancé en 2019. “En octobre, j’ai vidé mes étangs et récolté pour 300 000 francs congolais (150 dollars) de gros poissons”, se félicite-t-il. “Si les gens travaillent beaucoup, l’insécurité alimentaire va finir (...) Moi, je ne travaille pas seulement pour ma famille mais pour toute la communauté car, dit-on, un seul travaille mais plusieurs consomment”, déclare cet homme de 63 ans, qui rêve de se lancer dans l’élevage de porcs.

“Ici, on ne parle pas de famine”, mais environ 75% des gens “sont dans une situation où ils ont des difficultés” pour se nourrir, déclare Mathilde Vaultier. À Nsele, les personnes sont dans une situation de “stress” alimentaire (elles peuvent subvenir à leurs besoins alimentaires au détriment d’autres besoins de base). “On est à un pas de la faim”, dit-elle, et “ce genre de projet vise à éviter que les gens basculent dans ce précipice”.

 


AFP

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