Magazine Considérée comme un symbole de l’esclavage

En Martinique, la statue controversée de l’épouse de Napoléon

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AFP Publié 26 Mai 2021 à 09:21

La statue de Joséphine de Beauharnais déboulonnée par des militants anti-colonialistes en juillet 2020.  © D.R
La statue de Joséphine de Beauharnais déboulonnée par des militants anti-colonialistes en juillet 2020. © D.R

En Martinique, trois statues de personnalités jugées esclavagistes par des activistes ont été déboulonnées depuis un an, dont celle de l'impératrice Joséphine. L'épouse de Napoléon, une fille du pays, attire les touristes, mais sa figure est devenue controversée sur cette île française des Caraïbes. Sur l'île, le 22 mai est un jour férié où ne résonnent que tambours et chants traditionnels pour fêter l'abolition de l'esclavage. Il y a un an, c'est cette date que les militants anticolonialistes ont choisi pour déboulonner les statues de Victor Schoelcher. 

Cet homme politique français, artisan de l'abolition de l'esclavage longtemps adulé sur l'île, est devenu persona non grata pour ces jeunes activistes qui estiment que ce sont les esclaves qui ont arraché leur liberté en mai 1848, avant que ne soit appliqué sur l'île le décret d'abolition. Sous l'impulsion de Victor Schoelcher, ce décret abolissant l'esclavage dans les colonies a été signé le 27 avril 1848. 

L'esclavage avait été aboli en France métropolitaine au XIVe siècle, puis dans les colonies en 1794 dans le sillage de la Révolution, mais cette loi a été abrogée en 1802 par Napoléon Bonaparte, alors Premier consul. Le débat historique a ensuite entraîné la chute de deux autres statues en juillet 2020, celles de Pierre Belain d'Esnambuc, premier colon de Martinique, et de Joséphine de Beauharnais, née Marie-Josephe-Rose Tascher de la Pagerie en 1763 sur l'île et épouse de Napoléon Bonaparte. 

La statue de l'impératrice, qui trônait à Fort de France depuis 1859, déjà décapitée depuis près de 30 ans, avait été jetée à terre et réduite en morceaux comme les deux autres. Un an après, les débris sont conservés dans un “lieu qui doit rester secret”, explique Annie Chandey, l'élue de la ville de Fort-de-France déléguée à la culture. “Chaque statue est conservée de façon individuelle, précise-t-elle à l'AFP. Chacune étiquetée et chacune dans un lieu précis à une température précise. Il faut absolument protéger ces matériaux-là, et il n'est pas souhaitable que ce soit ouvert à tout un chacun.” Le secret est bien gardé. Impossible, même pour la presse, d'y avoir accès. De la mairie au préfet, personne ne veut prendre le risque de mettre en danger ce qu'il reste de ces statues et de jeter à nouveau de l'huile sur un feu qui couve depuis plusieurs années. 

115 esclaves 
Au musée de la Pagerie, installé sur l'habitation où l'impératrice a vu le jour, aux Trois Ilets, son buste a été “décapité et maculé de peinture noire en 2018”, raconte Ghyslain Norca, guide conférencier du musée. Il est désormais exposé en l'état afin d’“évoquer le fait que bien que ce soit une personnalité de l'histoire de France, elle n'en demeure pas moins controversée en Martinique”. 

Même la plaque qui indiquait son lieu de baptême sur l'église des Trois-Ilets a été détruite à coup de masse en juin 2020. Depuis le premier confinement, la communauté territoriale de Martinique, propriétaire du musée, a inclus dans sa scénographie la dimension esclavagiste du passé de l'exploitation agricole. La famille de Joséphine possédait quelque 115 esclaves dont les noms sont recensés depuis début 2020 sur les murs de l'ancienne cuisine du domaine, avec leur âge... et leur valeur. 

La première épouse de Napoléon reste très présente dans l'espace public, notamment sur les chemins touristiques. En dehors du musée qui porte le nom de sa famille et de la “baignoire de Joséphine”, large bande de sable blanc entre deux îlots où des milliers de touristes plongent chaque année, il y a aussi une résidence Impératrice et un hôtel de la Pagerie dans sa ville natale. 

Pour Véronique Bidault des Chaumes, qui l'a racheté fin 2010, Joséphine est un “emblème” dont il faut se “servir et faire venir les touristes pour faire un parcours, expliquer sa vie, même s'il y a eu des passages qui sont moins bons, on peut en parler, ça fait partie de l'histoire. C'est dommage de ne pas se servir de ça comme publicité”, selon elle. Une publicité qui n'est pas du goût des militants anticolonialistes. Sur les ruines du socle où reposait sa statue décapitée à Fort-de-France, ils ont installé un bac de compost artisanal. 

 


AFP

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