Magazine Il dispose de biens dans de prestigieuses adresses dans de nombreuses capitales

Immobilier du Vatican, le trésor caché

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AFP Publié 24 Février 2021 à 20:45

© D. R.
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Adresses prestigieuses à Paris, à Londres et à Genève, flopée d’appartements à Rome : le Vatican lève enfin le voile auprès de l’AFP sur le détail de son patrimoine immobilier valant des milliards d’euros, bas de laine source d’indépendance mais aussi de scandales. “Quand on dit que la majeure partie de l’immobilier à Rome appartient à l’Église et au Vatican, c’est tout simplement faux”, s’insurge Mgr Nunzio Galantino, président depuis plus de deux ans de l’Administration du patrimoine du siège apostolique (Apsa), dans un entretien à l’AFP.

Las des fantasmes “sensationnalistes” suscités par le trésor caché des souverains pontifes, cet Italien enjoué fait partie du cercle de confiance du pape François, choisi pour centraliser et mieux contrôler les biens immobiliers et les fonds financiers du Vatican. Les propriétés du Saint-Siège sont grandement le fruit d’investissements réalisés depuis un siècle. L’année 1870 marquait la fin des États pontificaux, rattachés au Royaume d’Italie. Six décennies plus tard, en 1929, l’État de la Cité du Vatican (44 hectares) était créé par les accords de Latran. Le Saint-Siège sera dédommagé pour la confiscation de ses territoires et biens ecclésiastiques, comme le gigantesque palais du Quirinal (résidence de trente papes qui loge aujourd’hui le président de la République italienne). Le pape de l’époque, Pie XI, décide d’investir en Italie et à l’étranger dans l’immobilier “pour assurer la liberté et l’indépendance de l’Église”, explique Mgr Galantino.  

737 biens à Paris 
Au cœur de Paris – boulevard Saint-Michel, quartiers de l’Odéon ou des Champs-Élysées –, les services de l’évêque gèrent de longue date 737 biens immobiliers (près de 56 000 m2) estimés à 595,5 millions d’euros. À Londres – notamment à Saint James Square, à Kensington et à New Bond Street – 27 autres biens immobiliers (4 600 m2) sont estimés à 108,5 millions d’euros. Et en Suisse – à Genève et à Lausanne en particulier – 140 biens (plus de 16 000m2) sont évalués à plus de 91 millions d’euros. À Rome, ce sont des immeubles entiers qui ont été construits notamment sur deux axes convergeant directement à la place Saint-Pierre, dont la célèbre Via della Conciliazione. 

L’Apsa loue ainsi 2 400 appartements et 600 commerces ou bureaux italiens, qui ont rapporté 99 millions d’euros en 2019. Sur 1,6 million de mètres carrés, 15% sont sur le marché libre de la location et 30% soumis à des loyers subventionnés consentis notamment à des employés et retraités. Les 55% restants sont occupés par des institutions vaticanes ou sont prêtés gratuitement à des écoles ou à des universités. L’objectif est d’améliorer “la performance des actifs immobiliers”, assure le chef de l’Apsa, convenant que certains appartements sont vides et délabrés après des décennies d’occupation.  Mais loin des logiques mercantiles, le Saint-Siège a préféré récemment allouer un immeuble aux bonnes œuvres du pape, malgré sa vue directe sur la place Saint-Pierre. Et sur l’une des plus chics collines romaines, un somptueux bâtiment a été dédié à la formation du clergé. 
 
Propriétés en milliards d’euros  
Dans ce contexte, Mgr Galantino se dit incapable de chiffrer le patrimoine italien et, a fortiori, sa totalité. Un chiffre totalement obsolète figure dans les comptes financiers, reconnaît un expert du Vatican. En mettant un euro symbolique sur l’invendable Basilique Saint-Pierre, ou encore sur ses palais administratifs ou ceux prêtés gratuitement à des universités, le Saint-Siège pourrait être assis sur un patrimoine locatif valant plusieurs milliards d’euros. Car des centaines d’autres appartements sont gérés par un ministère chapeautant les activités missionnaires, patrimoine supplémentaire évalué à “3-4 milliards” par le journal économique Il Sole 24 Ore, qui conclut à une possible valeur totale de 6 milliards d’euros pour les propriétés sur le marché locatif. Et l’Apsa est encore en train de faire l’inventaire de ses biens italiens. “Au début du XIXe siècle, beaucoup de congrégations religieuses n’étaient pas reconnues par l’État italien, il était normal à l’époque d’attribuer directement leurs biens au Saint-Siège. À partir des années 1980, on a redonné des biens à des congrégations, mais avec quelques erreurs”, explique le prélat, à la recherche de 70 à 80 titres de propriété.  “Le virus a ralenti les recherches auprès des archives”, mais il espère boucler l’inventaire “à la fin du printemps 2021”. 
 
Prédateurs à l’affût  
Le pape François vient en outre de centraliser entre les mains de l’Apsa les propriétés londoniennes acquises par la puissante Secrétairerie d’État (administration centrale) via des circuits opaques et des intermédiaires italiens très gourmands. Il s’agit surtout d’un immeuble de luxe situé au 60, Sloane Avenue, dans le chic quartier londonien de Chelsea, acheté en deux temps à partir de 2014. Cette transaction devrait faire l’objet d’un procès cette année de la justice vaticane. 

Un autre ensemble londonien de cinq appartements de luxe est géré par le fonds d’investissement Centurion Global Fund, basé à Malte, qui a financé avec l’argent de l’Église “Rocketman”, biopic sur le chanteur gay Elton John, provoquant l’embarras du Vatican et des procédures en justice.  Le pape a indiqué qu’il faut “se retirer le plus rapidement possible” de ces investissements ou au moins “éliminer tout risque d’atteinte à la réputation” de l’Église. 

Les scandales immobiliers ne sont pas une nouveauté, mais le Vatican veut sévir contre les prédateurs. Fin janvier, la justice vaticane a condamné à près de neuf ans de prison un ex-président de la “banque du pape” pour s’être enrichi en vendant frauduleusement une vingtaine de biens immobiliers du Saint-Siège entre 2001 et 2008.  

 


Catherine MARCIANO/AFP

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