Magazine Forcés de partir d’Afghanistan

Le dilemme des derniers sikhs

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AFP Publié 21 Janvier 2022 à 19:26

Responsable du principal temple sikh de Kaboul, Gurnam Singh embrasse du regard l’immense salle qui accueillait autrefois des centaines de fidèles. Seule une poignée d’adeptes y prie : “Tout le monde aime ce pays. Nous sommes Afghans, c’est notre patrie. Mais nous partons par désespoir.” Pieds nus sur le sol recouvert de tapis rouges, les fidèles sont arrivés au compte-goutte. Les femmes d’un côté, les hommes de l’autre, chaque groupe se réchauffant autour d’un poêle à bois, ils ont écouté des passages du Guru Granth Sahib, le livre saint sikh. 

Puis l’ouvrage a été cérémonieusement replacé dans l’autel lui étant consacré. Début novembre, le gurdwara (temple) Karte Parwan possédait encore trois exemplaires du livre saint. Mais deux ont été transportés à Delhi pour être “mis à l’abri”. La communauté sikhe d’Afghanistan, qui comptait dans les années 1970 au moins 150 000 membres, n’en a peut-être plus pour longtemps. Quarante ans de guerre, de pauvreté et de discriminations ont provoqué leur exode. Après l’arrivée des talibans au pouvoir, mi-août, près d’une centaine se sont encore exilés. Selon Gurnam Singh, ils ne sont plus que 140 à travers le pays, la majorité à Kaboul et quelques dizaines à Jalalabad (Est). 

Manmohan Singh, 60 ans, un ancien respecté de la communauté, fait visiter le gurdwara. Il montre la cuisine partagée, les appartements où sont logées plusieurs familles. “La joie ou la peine qu’on éprouvait, on la partageait ici. On a d’abord construit le gurdwara, puis les bâtiments autour, puis l’école. Moi aussi j’ai étudié ici”, sourit-il. “Quand ce gurdwara a été construit il y a 60 ans, tout le quartier appartenait aux sikhs. Il n’y avait pas un seul musulman ici.” 

Mesures de sécurité drastiques
De l’extérieur, rien ne distingue le temple des autres bâtiments du quartier. Sa haute porte métallique, ses murs d’enceinte écrus pourraient être ceux de n’importe quelle résidence cossue. Les mesures de sécurité sont drastiques : plusieurs attaques ont visé les sikhs – membres d’une religion hindouiste comptant 25 millions de fidèles surtout présents au Penjab, dans le nord-ouest de l’Inde – ces dernières années. Début octobre encore, des hommes armés, non identifiés, ont pénétré de force dans le gurdwara qu’ils ont vandalisé. Manjit Singh, 40 ans, fait partie des quelques-uns ayant choisi de rester. Comme nombre de sikhs, il tient une échoppe de produits pharmaceutiques et médicinaux. 

Les affaires vont mal, plus à cause de la crise économique que des mauvaises relations avec les talibans ou les autres Afghans. “Ce sont nos amis. Nous sommes là les uns pour les autres”, insiste-t-il. Mais dans son quartier de Shor Bazar, dans le sud de Kaboul, “il reste à peine deux ou trois familles (...) Tous les autres sont partis”. L’an passé, sa fille a épousé un autre sikh afghan puis a émigré à Delhi. L’Inde a offert son aide aux sikhs, facilitant leur installation sans pour autant leur donner la nationalité. 

Manjit Singh est resté. Partir, pour aller où ? “Pas en Inde. Qu’est-ce que je ferais en Inde ? Il n’y a pas de travail ou de maison là-bas.” Autrefois, Shor Bazar était un haut lieu sikh. Il en reste une rue, Hindu Street, où se trouve le plus ancien gurdwara de Kaboul, vieux de “presque 400 ou 500 ans”, selon Manjit Singh. Entretenu par la communauté, il semble presque neuf mais reste vide. Pourtant “avant, beaucoup de gens venaient ici. Nous avions des prières collectives deux fois par semaine, le dimanche et le mercredi”. 

 

 

AFP

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