Reportage Abdelkader Benmessaoud,responsable de l’Agence Tahat Tours

“Pour relancer le tourisme saharien, il faut revoir les prix des hôtels et des billets”

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Hana MENASRIA Publié 06 Octobre 2021 à 10:41

© Liberté
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Exerçant dans le tourisme depuis une trentaine d’années et ancien agent de prospection international dans les pays d’Afrique, Abdelkader Benmessaoud est aujourd’hui à la tête de l’agence Tahat Tours à Tamanrasset. Dans cet entretien, il évoque l’éductour 2021 organisé par l’EGT Tamanrasset, ainsi que d’éventuelles solutions pour la relance du tourisme dans le Hoggar. 

Liberté : L’agence Tahat Tours est partenaire de l’Entreprise de gestion touristique de Tamanrasset (EGTT), organisatrice de l’éductour. Quel est l’objectif premier de cet événement ?  

Abdelkader Benmessaoud : Depuis la crise sanitaire, Tahat Tours a enregistré pas moins d’un millier de touristes algériens, et nous recevons de plus en plus de demandes de séjour dans la région de Tamanrasset. Mais la législation touristique de l’Office du parc national de Tamanrasset exige que chaque touriste doit passer par une agence de voyages. À cet effet, l’Entreprise de gestion touristique de Tamanrasset (EGTT) a réfléchi sur l’organisation de cet éductour pour réunir les agences de voyages.  L’objectif de cet événement porte sur la sensibilisation des nationaux sur cette région, et la découverte de son potentiel naturel. Le circuit réalisé lors de cet éductour, ayant réuni une centaine d’agences de voyages, est un programme réalisé par moi-même et intitulé “Cure anti-stress”. 
Avec ce package de 39 800 DA pour 4 nuitées et 5 jours, les touristes auront l’occasion de découvrir plusieurs endroits. Au total, nous avons mis en place cinq produits qui sont déjà prêts pour cette saison, et ce, selon la demande, à l’exemple de circuits de 10 à 15 jours ou des circuits balades à la carte pour le Tassili Hoggar. 

En 2010, les mouvements terroristes d’Aqmi dans le Sahel ont impacté lourdement le tourisme à Tamanrasset. Qu’en est-il aujourd’hui de cette situation dans le Hoggar ? 

À cause des conflits en Libye, au Niger et au Mali… l’État algérien a pris peur des enlèvements de touristes étrangers lesquels, à l’époque, étaient nombreux à venir ici. À cet effet, le Tassili Hoggar a été fermé aux Européens pour une question de sécurité, mais il est resté ouvert aux nationaux. Ces derniers ne viennent pas en masse, car le billet d’avion est à 30 000 DA, beaucoup ne peuvent pas se le permettre, et d’autres préfèrent partir pour le même prix à Marseille, à Barcelone où à Tunis. Aussi, les hôtels et les circuits sont excessivement chers, même s’il existe des campings, de nombreux touristes n’apprécient pas forcément ce genre de produits. Pour revenir sur la fermeture aux étrangers, cela a causé la diminution du tourisme à Tamanrasset. Il y avait 176 agences de voyages, la majorité a déclaré faillite et les propriétaires ont opté pour d’autres secteurs. Aujourd’hui, il n’existe qu’une dizaine d’agences et ces chefs d’agences étaient partis travailler à l’étranger, mais ils sont de retour ici. 

À votre avis, quelle est la solution pour faire revenir les touristes étrangers ? 

Les étrangers sont prêts à revenir et ils n’attendent que l’ouverture par l’État algérien ! Politiquement, je ne peux m’exprimer sur la question, ce n’est pas de mon ressort. Mais sur le plan sécuritaire, lorsqu’un touriste est accompagné par une escorte de gendarmes ou de policiers, cela lui fait peur, car il va penser qu’il peut être attaqué par des terroristes. 
Une situation qui le stressera, et il ne pourra don pas profiter de son séjour. Le Hoggar et le Tassili Hoggar peuvent être sécurisés, l’État peut les sécuriser ! En 2018, lors d’une rencontre avec le ministre du Tourisme, j’ai abordé la question de l’escorte, en soulignant que je travaille depuis 30 ans dans le tourisme, et il n’y a jamais eu de fait délicat d’insécurité ou autre. J’ai proposé comme solution de réaliser, durant la saison touristique, des patrouilles en hélicoptère, ou d’envoyer des gendarmes en tenue civile ou encore de créer et former une brigade spéciale pour le tourisme. Les solutions existent ! Les gens du Sud veulent travailler et n’attendent que la réouverture pour offrir leurs services, et de relancer ainsi le secteur touristique, culturel et économique. 

Le Hoggar regorge de richesses naturelles, culturelles et historiques. Y a-t-il des formations dispensées aux guides ? 

La seule formation dispensée dans ce domaine remonte à 1991, et nous étions seulement 11 guides à suivre cette formation de trois ans, et depuis, aucune formation de guide-accompagnateur n’a été organisée.  Nous avons demandé à plusieurs reprises aux institutions concernées de nous aider à organiser des ateliers ; nous avons même suggéré de donner des cours, mais il n’y a pas eu de suite. Il faut savoir que les documentations disponibles ici sont mensongères, car elles ont été écrites par des Européens et non par des Algériens. En préparant ma thèse de doctorat sur la société targuie, j’ai dû me déplacer chez les vieux nomades dans le désert de différents pays d’Afrique (Mali, Niger et frontière libyenne à Djanet) pour obtenir des réponses à mes questions. Pour ma part, je me suis préparé pour la prochaine saison, et mon équipe (celle de l’agence Tahat Tours, ndlr) a été formée et pratique plusieurs langues. J’ai, entre autres, mis en place un plan d’action pour le lancement de circuits à thèmes pour les universitaires, les astronomes et les archéologues, qui seront accompagnés par des experts. 

Y a-t-il une volonté politique pour la relance du tourisme saharien ? 

Le citoyen algérien a envie de visiter son pays, mais il faut l’aider ! Le problème est la cherté des billets d’avion, il faut qu’ils soient revus à la baisse ; que les étudiants puissent bénéficier d’une réduction de 50%, car 60 000 DA pour un séjour, c’est énorme pour eux. Pour relancer le tourisme dans le Sud ou dans les autres villes du pays, il faut revoir aussi les prix des hôtels et laisser les professionnels travailler et investir dans ce secteur. 

 

 

Entretien réalisé par : H. Menasria

 

 

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