Reportage SIGA : UNE CITÉ ANTIQUE À EXPLORER

VOYAGE AU ROYAUME DE SYPHAX

  • Placeholder

M. LARADJ Publié 30 Juillet 2021 à 19:30

© Liberté
© Liberté

Réalisé par : MAHDJOUBA LARADJ

À Aïn Témouchent, le tourisme ne se résume pas à son littoral long de plus de 80 km, mais aussi aux énormes potentialités touristiques qu’elle recèle. Celles-ci ont besoin tout simplement d’une promotion à la hauteur de leur importance. Siga, jadis royaume de Syphax, est parmi ces sites qui appellent à une valorisation. Reportage. 

À 50 km à l’ouest du chef-lieu de wilaya et à 25 km seulement de la ville portuaire de Béni Saf, sur la rive gauche de l’oued Tafna, la petite commune d’Oulhaça ne paye pas de mine d’apparence en cette journée de semaine. Pourtant, c’est ici qu’est enfouie, dans ses entrailles, la cité antique berbère Siga, royaume de Syphax, distante de seulement 4 km de l’île connue de Rachgoun. Située entre deux caps et appelé communément “Laïla”, terme qui veut dire en espagnol “La Isla”, preuve d’une ancienne présence ibérique, l’île de Rachgoun est un morceau de terre aux atouts touristiques non négligeables. Jadis, elle fut un comptoir commercial florissant. “L’île a une valeur culturelle historique avérée comme étant le plus ancien site de la région d’Aïn Témouchent et du bassin méditerranée de l’Ouest. Elle fut un comptoir utilisé par des navigateurs phéniciens pour des échanges commerciaux en raison de sa position stratégique car située à l’embouchure de la Tafna, qui était à l’époque un fleuve important navigable”, explique Belkeddar Zoheir, guide au niveau de l’Office de gestion et d’exploitation des biens culturels (OGEBC) de la wilaya d’Aïn Témouchent, note guide d’un jour. Sanctuaire et réserve naturelle importante qui attire des oiseaux migrateurs, Rachgoun a été classée en 2012 zone humide dans le cadre de la convention Ramsar. De quoi lancer l’écotourisme dans un circuit touristique à la carte avec un contenu. “Il faudra dans ce cas une réelle volonté de l’État par rapport à l’envergure du projet qui n’est pas uniquement l’affaire des associations dont l’intervention est limitée”, souligne notre guide. Non loin de là, une autre destination s’offre au visiteur et qui devait constituer un autre point du circuit touristique, mais qui n’a jamais vu le jour. C’est le site de Siga, royaume de Syphax, qui a fait l’objet d’un colloque international en 2018 organisé par le Haut-Commissariat à l’amazighité. À Siga, hormis le nom qui a traversé les siècles, le spectacle est désolant, avec ces constructions anarchiques en briques et non achevées, séparées par une piste en état de dégradation. Un véritable gâchis, pour ne pas dire un massacre écologique. À la sortie du village, sur le chemin parsemé de palmiers ancestraux menant vers le site archéologique et vers le mausolée où repose Syphax, s’offre à nous une autre image symptomatique de l’absence d’une vision pour l’entretien d’un espace de détente, qui a bénéficié d’une opération d’aménagement pour finalement se retrouver en état d’abandon, où la saleté se conjugue à la dégradation des bancs et des tables en dur. Un désastre sans nom. 

La cité enfouie 
Au niveau du site archéologique, juste à quelques encablures du village, le temps est comme suspendu dans cette cité millénaire enfouie, qui garde jalousement ses secrets. D’un promontoire qui surplombe la cité, la vue sur la vaste étendue, témoin de nombreuses civilisations qui se sont succédé ici, est simplement à couper le souffle. Selon Belkeddar Zoheir, dans les années 1950, Gustave Vuilemot, archéologue français spécialisé dans l’archéologie phénico-punique, avait entrepris des fouilles sur l’île de Rachgoun dans l’espoir de trouver des traces en lien avec cette cité. “Il voulait comprendre la relation qui existait entre l’île de Rachgoun et le site de Siga sur une distance de 4 km par un fleuve qui mène vers le port naturel de Siga. C’est là où on trouvent des pièces de monnaie et des restes de poterie”, dit-il. 

L’on apprendra en outre que, pour procéder aux fouilles, les archéologues allemands qui sont venus en 1977 ont opté pour 30 ha du site de Siga qui a été classé en 1991. Il aura fallu attendre l’année 2014 pour que la direction de la culture d’Aïn Témouchent daigne enfin lancer un plan de protection et de mise en valeur du site archéologique de Siga (PPMVSA) avec, comme finalité, une étude d’aménagement du site pour qu’il devienne attractif, mais sur une superficie de 50 ha à partir du village. Çà et là, on découvre des traces témoins de passage de nombreuses civilisations, à l’image de ces quelques ruines portant encore l’inscription sur une plaque “Réhabilitation des thermes de Siga”. Plus loin, se trouve un sondage en attente de fouilles qui fait penser à un soubassement d’une construction importante à deux niveaux où l’on a utilisé la technique des arches et qui porte le nom d’Opus africanum ou mur romain, réalisé selon une technique africaine. “Les archéologues qui sont passés par là ont évité d’y toucher par peur de faire disparaître des traces”, fait remarquer Zoheir. Raisons ? “L’archéologie, c’est comme un livre : lorsque tu lis, tu déchires. On risque de perdre des traces qui peuvent être des références topographiques. C’est un travail très délicat qui nécessite un travail professionnel de véritables spécialistes”, tient-il à préciser. Dans cette région mythique où régna le roi Syphax, Filahi Mustapha, un grand archéologue qui a fait partie de la première promotion d’archéologues algériens, soutient que “si on veut trouver la ville antique berbère, il ne fallait pas chercher ici, mais bien en bas où exerçaient les agriculteurs qui activent dans le maraîcher, sachant que 50 ha de fouille est un grand projet qui nécessite une équipe et toute une génération d’archéologues”. Mais, selon notre accompagnateur, la particularité du site de Siga est qu’il est susceptible de devenir un cas d’école, étant donné qu’il est l’un des rares sites antiques encore à l’état vierge, contrairement au site de Cirta, actuellement Constantine, à tite d’exemple. Sur le chemin, on découvre des traces de pas de portes avec de la pierre de taille de très haute qualité prouvant qu’il y a avait des constructions importantes témoins de l’existence d’une civilisation depuis des milliers d’années. Il y a aussi des traces d’un mur d’enceinte enfoui. Tout le site est sensible. Plus loin encore, se dresse le mausolée de Syphax, qui fait la réputation de la cité et qui veille sur le site de Siga et ses vastes terres agricoles appartenant à des cultivateurs qui pourraient être les meilleurs protecteurs du site. Il fallait tout simplement les associer aux opérations de fouilles et les mettre en confiance. Même si elle n’a pas encore livré tous ses secret, des pièces de monnaie de l’ère numide avaient été découvertes par Gustave Vuilemot à 7 m de profondeur. 

Sur la route des volcans  
Livre d’histoire à ciel ouvert, cette région pourrait faire partie d’un circuit touristique avec la collaboration des agences de voyages et de tourisme et à la faveur d’un aménagement dont profiteront les randonneurs pédestres ou les amateurs des VTT (vélos tout-terrain). 
C’est une ressource financière dormante qu’il est temps d’exploiter. Dénommé “Sur la route des volcans”, un projet ambitieux pour la création d’un circuit touristique est entrepris par Belkeddar Zoheir, en collaboration avec l’association “Kounouz bladi”, dans l’optique d’élaborer une carte d’un circuit touristique qui fera le plaisir de tous ceux qui jetteront leur dévolu sur cette partie historique et culturelle de l’Algérie profonde. Il va sans dire que la région d’Aïn Témouchent n’a pas encore exploité toutes ses potentialités et ses atouts touristiques, si l’on excepte le tourisme balnéaire. “Faute de savoir-faire, de nombreux atouts ne manquent pas de valeur touristique. Ils demeurent inconnus et en friche aussi bien pour les visiteurs que pour les habitants de la région”, observe Zoheir. Ce projet propose justement une variante alléchante pour ceux épris de tourisme scientifique et de tourisme passager, à l’image de l’agrotourisme et de l’écotourisme. “Nous remarquons ces dernières années une tendance forte vers le tourisme de plein air de la part de randonneurs qui font de longues marches à travers les campagnes, les forêts, les côtes sauvages ou les hautes montagnes, dont le but premier est de respirer un bol d’air frais et d’évacuer le stress oppressant de la ville. Sans compter les bienfaits sur la santé que peuvent procurer ces longues marches qui sont assimilables à du sport. Mais ces virées peuvent aussi être une occasion de découvrir les richesses que recèlent ces endroits en matière de diversité biologique, les produits d’activité des autochtones et, bien entendu, la beauté souvent féerique des paysages”, souligne encore le guide, tout en ajoutant : “Dans notre région justement, le paysage pittoresque qui s’offre à nos yeux est le résultat, entre autres phénomènes naturels, d’une intense activité volcanique qui a façonné le relief et donné à la terre sa richesse qui fait aujourd’hui le bonheur des agriculteurs et contribue au bien-être de toute une région.” 
Selon des géologues, la région d’Aïn Témouchent compte pas moins d’une vingtaine de volcans de différents types disséminés dans le paysage, dont les contours et l’étendue des laves et autres déjections (tufs volcaniques, scories et bombes volcaniques), qui peuvent parfois se trouver à des dizaines de kilomètres du point de l’éruption, sont décelables à l’œil nu. 

Développer de nouveaux produits touristiques
Le but de ce projet est de relier tous ces volcans entre eux par la mise en forme de circuits pédestres ayant pour point nodal le site de Sidi Younès qu’il faudra mettre en valeur et ce, dans la perspective future de créer in situ un musée où seront exposés ces fossiles avec des montages muséographiques et scénographiques restituant les paysages de l’époque et la faune qui y évoluait, selon notre guide. 
“Ces circuits vont donc permettre de désenclaver le site et le musée en les inscrivant dans des parcours offrant d’autres points d’intérêt, telles les richesses naturelles, culturelles et écoagronomiques (produits du terroir) de la région”, estime Zoheir. Ce qui permettra de développer de nouveaux produits touristiques originaux avec la mise en valeur des richesses patrimoniales et paysagères de la région et, par ricochet, d’apporter une contribution au développement économique local, voire national, tel que préconisé par le projet mis en forme conjointement par l’association “Kounouz bladi” et l’OGEBC d’Aïn Témouchent. 
“Pour le moment, le projet du circuit touristique se limitera à quatorze volcans sur la vingtaine que compte la région d’Aïn Témouchent, tel que proposé par la carte établie par Mme le Dr Chaïd Saoudi dans son article de référence Geo Site Sy. Cette carte sera complétée ultérieurement en incluant les sites de la région de Béni Saf et de la basse vallée de la Tafna. Ce qui en fera deux ensembles de circuits qu’il s’agira de relier judicieusement.” Des travaux d’Hercule qui attendent l’équipe chargée de la mise en forme du circuit et qui attendent l’aval des pouvoirs publics.   

  • Editorial Un air de "LIBERTÉ" s’en va

    Aujourd’hui, vous avez entre les mains le numéro 9050 de votre quotidien Liberté. C’est, malheureusement, le dernier. Après trente ans, Liberté disparaît du paysage médiatique algérien. Des milliers de foyers en seront privés, ainsi que les institutions dont les responsables avouent commencer la lecture par notre titre pour une simple raison ; c’est qu’il est différent des autres.

    • Placeholder

    Abrous OUTOUDERT Publié 14 Avril 2022 à 12:00

  • Chroniques DROIT DE REGARD Trajectoire d’un chroniqueur en… Liberté

    Pour cette édition de clôture, il m’a été demandé de revenir sur ma carrière de chroniqueur dans ce quotidien.

    • Placeholder

    Mustapha HAMMOUCHE Publié 14 Avril 2022 à 12:00