Culture La pièce “Sin Nni”, représentée au Théâtre Hamma-Meliani

L’exil, selon Mohya

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Ali BEDRICI Publié 31 Mai 2021 à 09:38

Extrait de la pièce Sin nni, au théâtre Hamma-Meliani.© Ali Bedrici/Liberté
Extrait de la pièce Sin nni, au théâtre Hamma-Meliani.© Ali Bedrici/Liberté

Cette pièce, dont la représentation a eu lieu avant-hier à Ivry-sur-Seine, “est d’abord un hommage à Mohya, à son génie et à son engagement pour la culture amazighe”, a déclaré le metteur en scène Hamma Meliani.

Le théâtre Hamma-Meliani d’Ivry-sur-Seine a abrité avant-hier le spectacle Sin nni, une pièce de Mohya, adaptée des Émigrés, du Polonais Slawomir Mrozek. Avec une mise en scène de Hamma Meliani, Sin nni a été magistralement interprétée par  Belaïd Cherdouh et Hakim Aoudjit. Deux heures durant, les deux comédiens ont brillamment restitué les messages et surtout l’âme de la pièce de Mohya, qui est un dialogue entre deux émigrés, l’un ouvrier, l’autre “intello”, qui vivent dans une chambre située au sous-sol d’un immeuble parisien. Le génie de Mohya a fait oublier que les personnages sont nés de l’imagination d’un dramaturge polonais, tant le langage, les situations et l’humour de la pièce plongent le spectateur dans l’univers social et culturel des villages de Kabylie. Alors que l’un, réfugié politique, tente d’“intellectualiser” le dialogue, l’ouvrier – un vrai “fellah” dans sa tête, reconnaît-il – est préoccupé par des considérations très terre à terre, comme de rentrer au pays, d’y retrouver sa famille et d’y construire une grande maison avec ses économies amassées au bout de tant d’années d’exil et cachées dans un ours en peluche.

Après avoir égrené –dans une atmosphère électrique – toutes les contradictions qui minent leur vie et, par extrapolation, la société, l’ouvrier veut en finir en tentant de se pendre avec sa cravate ; l’intellectuel, dans la même position, crie : “Vive la liberté”, révélant ainsi une issue possible à leur situation très difficile, mais pas désespérée. “C’est d’abord un hommage à Mohya, à son génie et à son engagement pour la culture amazighe”, déclare Hamma Meliani lors de sa présentation du spectacle. Diplômé de l’Institut supérieur des arts du spectacle (Ismas) de Bordj El-Kiffan et de Paris-Vincennes en art du spectacle, Belaïd Cherdouh a travaillé comme comédien au TNA et aux théâtres régionaux de Bejaïa et de Tizi Ouzou. “J’ai beaucoup joué en Algérie, mais aujourd’hui, c’est la première fois que j’interprète un rôle en tamazight dans une pièce”, avoue celui qui a réalisé, pour un premier essai, un véritable coup de maître. “Au début, ce n’était pas aisé, mais je me suis bien préparé à force de travail et de répétitions ; après, évoluer dans ma langue maternelle coule de source.” L’interprète du rôle de l’ouvrier, Hakim Aoudjit, est plus connu comme acteur de cinéma. Il a joué dans plusieurs séries et sitcoms diffusées par la télévision algérienne amazighe. Après la photographie en Algérie, il a été formé au cinéma par Method Acting Center à Paris pour le scénario, la réalisation et la direction d’acteurs. “Avant tout, j’ai joué dans cette pièce en hommage à Mohya”, dit-il. “De son vivant, Mohya a essayé de mettre en place un théâtre amazigh, mais peu de gens y venaient, ce qui ne l’a pas empêché de poursuivre son œuvre sous d’autres formes”, explique Hakim Aoudjit, avant d’ajouter : “Aujourd’hui, nous exauçons en quelque sorte le vœu de Mohya en jouant sa pièce. Nous nous inscrivons dans sa continuité, d’ailleurs, le public a reconnu Mohya dans ce spectacle.” À une question sur la durée de la pièce (deux heures), le comédien répond “C’est moi qui ai fait la transcription du texte de Sin nni. Je suis resté fidèle aux propos de Mohya. J’ai ajouté parfois quelques petits détails, sans plus.” 

Le comédien souligne qu’en réalité le texte de Mohya dure plus de deux heures et qu’il a fallu le condenser. “Nous l’avons résumé jusqu’à une limite au-delà de laquelle il y aurait des vides ou des écarts par rapport à la vision et aux messages de Mohya, ce qui n’est pas envisageable”, reconnaît Hakim Aoudjit, qui met en évidence le “travail remarquable de Hamma Meliani, dont la mise en scène a donné de la vie au spectacle”, qui est caractérisé par un haut degré de professionnalisme. Né en 1950 à Azazga, Abdallah Mohya est un auteur, parolier, poète et adaptateur algérien d’expression amazighe de Kabylie. Il est mort le 7 décembre 2004 à Paris et repose au cimetière d’Aït Eurbah, dans les montagnes du Djurdjura, qu’il aimait tant.  

ALI BEDRICI

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