Culture Kabylie Minogue, duo d’électro algéro-libanais

“On fait de la musique pour casser les frontières”

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Yasmine AZZOUZ Publié 20 Septembre 2021 à 19:38

© D. R.
© D. R.

Composé de deux DJ, l’un Algérien et l’autre Libano-Algérien, Kabylie Minogue est l’un des duos de musique électro les plus en vue outre-Méditerranée. Dans cet entretien, Jad et Kheireddine reviennent sur leurs parcours respectifs, le nom de leur duo détonant – et décalé –, leur univers musical qui va d’Oum Kelthoum à Britney Spears, ainsi que leur performance à l’Institut du monde arabe à l’occasion de la Fête de la musique en juin dernier. 

Liberté : Kabylie Minogue est un duo électro composé d’un Algérien, Kheireddine, et d’un Algéro-Libanais, Jad. Comment est née cette fusion entre les artistes que vous êtes et vos univers respectifs ?
Kabylie Minogue : On s’est rencontré au début de l’année 2015, et on est très vite devenus amis. La rencontre musicale s’est faite bien plus tard, avec une même envie de changer un peu la musique qu’on pouvait écouter à Paris, faire découvrir à nos amis et à notre entourage la musique qu’on avait l’occasion d’écouter quand on était plus jeune, mais un peu remixée.

Le nom de votre groupe fait référence aux origines de l’un de ses membres et à la chanteuse Kylie Minogue. Ce nom décalé en dit long sur votre duo. Un pied de nez peut-être à l’image trop sérieuse qu’on a des DJ...
À la base, c’est vraiment un jeu de mots, mais si on veut pousser la réflexion plus loin, on peut voir dans la combinaison des deux mots (Kabylie qui veut dire qabila, tribu en arabe), une manière d’inclure aussi dans notre approche l’aspect musical de toutes les tribus du nord de l’Afrique, du Moyen-Orient, voire d’Afrique subsaharienne.
Un nom qui vient confronter ce qui est tribal avec le côté électro et dansant de notre époque.

En Algérie et au Maghreb en général, la musique techno et électro ne s’est pas démocratisée au même rythme que d’autres genres. Pourquoi, selon vous ? Est-ce dû aux connotations qu’elle implique ?
Bien sûr que cette musique a son contexte d’évolution et son habitat naturel qui est le club et les festivals, d’où sa stagnation en quelque sorte. Mais en termes de production électronique, il y a énormément en Algérie de crews (groupes, ndlr), de DJ, qui font de belles perles électroniques. Je cite bien sûr Abdelkader AKM, fondateur du groupe et collectif ATM, et, pour en citer d’autres aussi, les Rebelz dans l’Ouest, qui font un ravage avec leurs mix envoûtants. Même si la scène algérienne n’offre pas vraiment de place à ces DJs/producteurs. Internet n’a pas de limites. 

Vous ne voulez pas de l’étiquette “électro oriental” qu’on a tendance à coller aux DJ d’origine maghrébine ou moyen-orientale...
Non, car on ne veut pas être mis dans une case. L’une des raisons pour lesquelles on fait de la musique, c’est pour casser ces frontières justement. On est content de jouer un mix d’Oum Kelthoum d’Alf layla wa layla, mais on est tout aussi content de finir notre set avec un remix de Britney Spears. Surtout que le terme “oriental” ne veut pas dire grand-chose. C’est regrouper trop de réalités musicales différentes ! On fait juste la musique qui nous plaît à nous, et on aime beaucoup de choses !

On ressent par ailleurs l’influence d’un univers musical et cinématographique arabe qui transparaît à chaque note, des divas comme Warda ou Faïrouz…
Oui, l’aspect mélodique dans la musique électronique d’aujourd’hui semble un peu oublié par beaucoup de monde. Cela demande plus de temps de travailler une bonne mélodie avec des changements de maqam que de poser des beats, process et quelques notes électroniquement. 
D’une part, on se rattache à ces mélodies car elles communiquent beaucoup plus d’émotions sur scène, d’autre part on valorise l’aspect mélodique qui a atteint son épopée à l’âge des divas et des compositeurs de talent (Abdelwahab ou Mohamed Faouzi) qui ont travaillé avec elles. On ne veut pas que cela soit oublié.

Votre premier EP est sorti l’année dernière sous le titre Pyjama Bazaar. Qu’est-ce qui a inspiré cette création ?
Le premier EP, c’est un peu le plus facile, dans le sens où il se fait à partir de tout un horizon de création construit inconsciemment pendant toutes les années qui précèdent. Ce serait un peu difficile d’identifier un élément particulier.

Vous avez joué à l’Institut du monde arabe à l’occasion de la Fête de la musique en juin dernier. Comment avez-vous vécu cette expérience ?
C’était un véritable honneur d’y jouer, d’y rencontrer Jack Lang, les équipes de l’IMA et d’Arte. Après le livestreaming sans public, c’est toujours un exercice complexe. On n’a pas pour habitude de préparer nos sets en avance. On préfère toujours s’inspirer de l’énergie du public pour adapter au maximum nos goûts et les leurs. Sans public, c’est tout de suite très différent. 

Le confinement était-il propice à la création musicale ?
Nous sommes deux et nous avons réagi très différemment au confinement. Pour l’un d’entre nous, c’était l’occasion parfaite pour se poser et d’apprendre de nouvelles compétences, notamment le sound design, la théorie musicale ou la pratique d’un instrument, le oud.
Pour l’autre, c’était compliqué. Si nous avons nos concerts passés et ceux à venir comme source d’inspiration, alors il manque quelque chose de fondamental. 

Enfin, pensez-vous vous produire en Algérie dès que la situation sanitaire le permettra ? 
Nous n’attendons que cela (même si, personnellement, j’ai un peu peur du jugement algérien) !
 

Entretien réalisé par :  Yasmine AZZOUZ

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