Chanteuse d’expression kabyle depuis les années 1980, Yasmina, de son vrai nom Skakni Ouiza, revient dans cet entretien sur son dernier single intitulé “Wissen” et sur ses projets. Elle nous livre également ses impressions sur la chanson kabyle et sur le monde de l’édition.
Liberté : Yasmina vient de sortir un nouveau single intitulé Wissen. Pouvez-vous nous en dire amplement sur cette nouvelle production ?
Yasmina : En fait, Wissen, c’est une ancienne inspiration qui n’a jamais quitté mon esprit ! Que je n’ai finie, ni en écriture ni en musique, que récemment. Wissen, c’est le “peut-être” de notre vécu en tant que Kabyles. C’est aussi notre manque d’assurance collectif, ce sont nos lendemains incertains et nos rêves irréalisables et inaccessibles. Wissen, c’est tout l’adage “peut-être un jour”. C’est notre mal à guérir, ce sont toutes nos aspirations, nos espoirs, nos amours et les malheurs “faits” à réparer d’urgence.
Votre dernier single est disponible sur le Net. En effet, nous avons constaté que de nombreux artistes sont passés du CD aux plateformes virtuelles. Pourquoi ?
Comme le vinyle et la cassette que nous avons connus jadis, le CD est en voie de disparition. Si ce n’est déjà fini ! Heureusement, ou malheureusement, que le monde avance. Tant mieux pour d’autres et tant pis pour nous qui accusons un retard mortel par rapport aux nouvelles technologies, pourtant abordables à plus d’un titre. Même nos gouvernants et autres responsables du secteur de la culture n’arrivent pas à nous expliquer ce décalage temporel. Le retard est flagrant, nous le payons, alors qu’il s’agit de mettre en valeur, d’exporter nos richesses artistiques et autres patrimoines culturels. C’est dommage. C’est déjà fini pour le CD.
Le Net est donc une alternative...
Le Net est une évidence. La musique est disponible virtuellement et partout sauf sur la cassette ou le CD. C’est la seule fenêtre vitale que possède l’artiste pour se faire valoir et exister en chantant. Nous, en tant qu’artistes, sommes condamnés à actualiser nos œuvres et nos agendas avec le monde qui avance.
Parlons de la chanson kabyle. Comment se porte-t-elle ?
Disons qu’elle n’est pas en forme ! Et le fait qu’elle dépende de ses artistes, ceux-ci doivent la prendre au sérieux en lui imprégnant beaucoup d’âme, énormément de cœur et surtout du professionnalisme. Le plus important, c’est le fait qu’elle existe et doive exister éternellement pour la survie de notre langue et de l’une des fondations de notre culture.
Le monde de l’édition est en crise, surtout cette période de la Covid-19. Comment Yasmina vit-elle cette situation ?
En Algérie, le monde de l’édition n’a jamais été correct et juste envers les artistes, les auteurs et les compositeurs. Nos œuvres artistiques, qui relèvent de nos pleurs et de nos joies, de nos vies, de nos valeurs et de notre culture savante, ne sont jamais considérées à leur juste valeur.
Donc, bien avant la crise sanitaire, nous avons vécu et vivons encore une crise qui n’a pas de nom. Concernant votre question, il faudrait voir auprès du monde des éditeurs s’il existe réellement. Qu’il se manifeste pour notre rayonnement et la survie de ce que tout artiste entreprend. Pour ce qui est de la Covid-19, surtout qu’il s’agit de la survie des gens, ce n’est pas facile de perdre des êtres, connus ou inconnus, de ce virus intraitable à ce jour !
L’histoire retiendra et rendra hommage aux personnels soignants qui ont pris et prennent toujours tous les risques, mais aussi à tous les artistes qui nous font vivre nos instants de vie, de survie parfois.
Des projets ?
Oui. J’ai convenu avec le label de musique Thayemats Production de maintenir un certain rythme de production, éventuellement une tournée à travers le monde et de nouveaux titres qui seront accompagnés d’un nouvel album à découvrir prochainement sur mes réseaux sociaux : Instagram, Facebook et YouTube. Dans l’immédiat, mon nouveau clip Wissen sortira début janvier si tout se passe bien. Je vous remercie. Et je tiens à remercier ceux et celles qui me suivent et me donnent de la force et du courage pour continuer à faire mon métier d’artiste, chose qui n’est pas évidente.
Entretien réalisé par : K. TIGHILT
