
L’écrivaine égyptienne Nawal al-Saadawi est décédée, ce dimanche, à l’âge de 89 ans, suite à une longue maladie. Née le 27 octobre 1931, la défunte était médecin psychiatre qui a toujours défendu les droits de l'Homme en général et les droits des femmes en particulier. Elle est d’ailleurs considérée comme l'une des écrivaines égyptiennes et africaines les plus importantes à travers les âges.
L’auteure a écrit plus d'une cinquantaine d'ouvrages dans lesquels elle se prononçait contre la polygamie, le port du voile, l'inégalité des droits de succession entre hommes et femmes en islam et surtout l'excision, qui concerne plus de 90% des Egyptiennes. Elle a également écrit plusieurs livres féministes de référence, « Au début, il y avait la femme » et « La femme et le sexe » et l'ouvrage « Femme au degré zéro », édité en 1975, est partiellement inspiré par ce que Nawal a pu collecter comme témoignage à l’université Ain Shams sur la santé mentale des femmes et qui a été traduit en français sous le titre Ferdaous, une voix d’enfer par Assia Djebar et Assia Trabelsi.
Ses lecteurs s’accordent à dire que « les caractéristiques de l’écriture de Nawal el Saadawi sont le mélange entre fiction et données réelles, sa connaissance des sciences médicales, les détails autobiographiques, et la description de maladies sociales ». Quant à son style, il est « d'une grande liberté, imagé et efficace. Sa langue d'écriture est sans fioriture et ses raisonnements sont d'une logique implacable ».
En plus de son combat pour les droits Humains, Nawal al-Saadawi a occupé de nombreux postes, tels que directrice générale du Département de l'éducation sanitaire au ministère de la Santé du Caire et celui de Secrétaire général de l'Association médicale du Caire, en plus de son travail en tant que médecin à l'hôpital universitaire.
Peu après, en 1993, elle avait quitté l'Egypte, après avoir reçu des menaces d'islamistes, pour rejoindre les Etats-Unis. Elle a été écrivaine en résidence pendant trois ans à l'université Duke, en Caroline du Nord.
En 2004, elle a remporté le prix Nord et Sud du Conseil de l'Europe et d’autres distinctions internationales.
A son retour en Egypte en 2005, elle s'est lancée dans une campagne présidentielle avant d'abandonner la course, assurant que les forces de sécurité l'empêchaient de conduire ses meetings électoraux.
En 2007, l'institution théologique Al-Azhar, portait plainte contre elle pour atteinte à l'islam.
Elle a été critiquée en 2013 pour avoir soutenu la destitution du président islamiste Mohamed Morsi par le général devenu président, Abdel Fattah al-Sissi.
« Votre colère est à jamais vivante en nous »
Sa mort a suscité l’émoi de nombreuses personnalités à l’instar de l’auteure libanaise Djoumana Haddad qui a dit à son sujet : « Ce n'est pas un hasard que vous êtes parti aujourd'hui. Vous êtes notre mère et la mère de notre plaie ouverte, nous les femmes de cette malheureuse partie du monde. Votre colère est à jamais vivante en nous, tout comme l’amour que nous vous portons ».
Jaafar Abdul Karim, journaliste à Deutsche Welle a de son côté salué la mémoire de Nawal al-Saadawi, tout en ajoutant : « libre, indépendante à jamais ! ».
Très émue, Sara Tahoun, écrivaine, a indiqué sur sa page Facebook : « je n’arrive pas à réaliser que tu es partie en ce jour de la fête des mères, il m’est impossible de le croire ». Avant d’ajouter : « Ô, ma chère mère spirituelle ! Je me souviens du jour où je t’ai rencontré je t'ai vu il y a 3 ans, et de notre conversation quand tu m'as dit : « Je vois dans tes yeux l'intelligence et la rébellion ».
L’écrivain algérien Bachir Mefti lui a, à son tour, rendu hommage sur son compte Facebook. « Le départ de l'écrivaine engagée Nawal El Saadawi ... la voix la plus libre et la plus audacieuse de l'écriture féministe arabe ... Elle va désormais manquer à tous ceux qui aiment la liberté, et les ennemis de la liberté trouveront du soulagement. ... éternelle paix à son âme... », a-t-il écrit.
Le départ de Nawal al-Saadawi a affecté la chanteuse algérienne Amel Zen, qui lui a rendu hommage en reprenant sa célèbre citation : « mon crime le plus grand est d'être une femme libre à une époque où l'on ne tolère que les esclaves. Je suis née avec un cerveau qui pense à une époque où l'on cherche à tuer la raison. »
Imène AMOKRANE / AFP