L’Actualité Youcef Aouchiche, premier secrétaire du FFS

“Le pays est dans une impasse”

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Karim KEBIR Publié 14 Février 2021 à 00:43

© Louiza Ammi/Liberté
© Louiza Ammi/Liberté

Premier secrétaire du FFS depuis juillet 2020, Youcef Aouchiche revient sur l’ouverture de l’enquête — suite aux  révélations  du  jeune  Walid Nekkiche — dont il estime qu’elle doit aboutir à des sanctions exemplaires sur l’initiative d’une convention nationale lancée par son parti.

Liberté : L'affaire Walid Nekkiche a suscité une vague d'indignation chez   nombre   d'Algériens.    Mais,  paradoxalement,  la  classe  politique  s'est  montrée  plutôt  prudente.  Qu’en  pense  le  FFS ?
Youcef Aouchiche :  Rien  ne  peut  justifier  la  torture.  Cela  appelle  une condamnation unanime. Le parquet vient  d’ordonner  une  enquête.  Il  faut qu’elle aille jusqu’au bout et qu’elle aboutisse à  des  sanctions exemplaires contre les auteurs, à quelque niveau de responsabilité qu’ils se trouvent, de cet acte contraire à la dignité humaine.

Cela  étant  dit, nous  nous  inscrivons  en  faux  contre  les  tentatives d’instrumentalisation de cette affaire Nekkiche visant  à  provoquer des ingérences  étrangères  ou  pour  entraîner  le  pays  dans  des  voies
séditieuses.

Le  FFS  constate  que “rien  n’a changé ”depuis  l’avènement  du  Hirak et que la situation s’est aggravée. Pourquoi, selon  vous,  le  régime refuse-t-il le changement ?
Au FFS, nous n’avons jamais joué les Cassandre. Nous exprimons nos inquiétudes face à une situation qui, et c’est là un constat unanime, se dégrade dangereusement. Le pays est aujourd’hui dans une impasse politique en raison de l’incapacité du pouvoir à saisir les profondes dynamiques qui traversent le pays, portées par une jeunesse qui a fait preuve depuis le 22 février d’une extraordinaire maturité politique. 

Le changement est aujourd’hui inéluctable. L’agenda du régime imposé unilatéralement ne répond nullement aux exigences populaires. Le rejet massif du référendum sur la révision constitutionnelle en est la spectaculaire illustration qui aurait dû conduire le pouvoir à réviser une démarche ­­— nous l’avions averti — vouée à l’échec.

Il y a chez ceux qui détiennent les leviers de décisions une propension à sous-estimer la détermination des Algériens à ne plus être spectateurs de leur destin. Le pouvoir, dont la base sociale s’érode proportionnellement à la diminution de la rente pétrolière, doit finir par comprendre que l’obstination à vouloir imposer des réaménagements purement superficiels ne feront qu’aggraver la crise politique et fragiliser notre pays.

Vous  comptez  aussi   parmi  les  voix  qui  appellent  à  des  mesures d’apaisement et à la levée des entraves à l’exercice politique, mais en vain jusque-là…
Le système n’arrive pas à surmonter ses contradictions internes. Peut-être que le pouvoir s’imagine qu’une ouverture politique risque de conduire le pays au désordre et faire le jeu des extrémismes de tout bord. C’est une grave erreur d’appréciation des réalités nationales. C’est même l’inverse qui y conduit.

En bloquant toute expression politique  libre et constructive, il fait la part belle aux partisans du chaos, de ceux qui sont inscrits dans des agendas extérieurs et encourage les forces centrifuges. Nous sommes convaincus que la société algérienne a atteint un tel niveau de conscience qui l’immunise contre  toutes les formes d’intégrisme et  toutes les  velléités  d’instrumentalisation  au  profit d’officines étrangères.

Force est d’admettre aujourd’hui que le verrouillage politique et médiatique favorise les partisans de la confrontation et décourage les voix de la raison et de la sagesse, porteuses d’une solution politique. 

Ce refus est-il lié, selon vous, à  sa nature,  à l’“atomisation”  de  la société et de la classe politique ou plutôt à des pressions extérieures ? 
Le FFS est un parti responsable. Nous avons toujours évité que la société soit entraînée dans des voies aventurières et violentes. Le changement que nous préconisons est un changement radical, mais consensuel, et en aucune manière brutal.

Nous avons conscience qu’il faut un processus politique graduel et ordonné qui n’exposera pas notre pays à la déstabilisation et qui préservera à la fois l’État national et une souveraineté nationale chèrement acquise par les lourds sacrifices consentis durant la lutte de Libération nationale.

Vous dites que le “dialogue” n’est plus un choix, mais une “urgence”. Le pouvoir est-il disposé, selon vous, à dialoguer ? 
Le  dialogue  s’impose  dans  ce  contexte  comme  une  exigence incontournable. Tôt ou tard, le pouvoir finira par y adhérer. Le plus tôt serait le mieux. Notre pays est confronté à des défis géopolitiques et économiques d’une importance vitale, et il n’existe d’autre voie que celle de construire un vrai consensus national pour les relever.

Les années qui viennent seront très dures pour les Algériens. Le système actuel, sclérosé  et  finissant, sera  incapable  de  répondre à l a demande politique, économique et sociale des Algériennes et des Algériens. 

Il est urgent de libérer les espaces politiques pour laisser se renforcer et se construire  de  vraies  médiations  démocratiques.  Le pire scénario — et l’immobilisme actuel nous y conduit tout droit — est de nous retrouver devant une  situation  que  nul  ne  pourra  gérer.  Le  changement  devient incontestablement une question d’intérêt national.

Vous préconisez l’idée d’une “convention  nationale”.  Comment avance-t-elle  et  a-t-elle  des  chances  d’aboutir  compte  tenu  du  contexte  mais également de l’expérience de la reconstruction du consensus ? 
Nous  avons  entrepris  des  consultations  avec  les  partis  politiques,  ainsi qu’avec des personnalités politiques et des représentants de la société civile pour agir ensemble en vue de dégeler le climat actuel et permettre l’amorce d’un vrai dialogue inclusif. Le contexte actuel d’une exceptionnelle gravité impose à tous de surmonter la méfiance et les intérêts proprement partisans pour se hisser à la hauteur des grands enjeux de l’heure. Nous devons aujourd’hui plus que jamais dépasser les contingences du moment pour nous inscrire dans une perspective historique.

Nous sommes optimistes quant à l’issue positive de ces rencontres car nous avons décelé chez nos interlocuteurs non seulement les mêmes inquiétudes face aux risques d’enlisement, mais également une volonté d’agir pour trouver une issue politique, patriotique et démocratique à la crise. Et peu importe le cadre, ce qui compte en définitive, c’est le contenu à donner à une démarche qui fera bouger le statu quo.

Certains indices présagent d’une reconfiguration de la scène politique. Comment le FFS se prépare-t-il à affronter ces nouveaux défis ?
Le  mouvement  populaire  du  22  février,  de  par  son  ampleur,  provoquera fatalement, je dirais mécaniquement, un profond renouvellement politique. On a souvent décrié les partis d’opposition par populisme et radicalisme infantile. Mais il est insensé de croire un instant qu’une démocratie se construit sans de véritables organisations démocratiques. Au FFS, nous nous efforçons de nous ouvrir sur la jeunesse et les catégories sociales  porteuses de renouveau pour le pays.

Notre capital historique  et  notre  expérience  politique, nous les  mettons au service de la société. Nous avons toujours milité pour  la  réhabilitation du politique et de la politique et pour l’émergence d’une vraie classe politique en mesure  de  traduire  les  aspirations  légitimes  du  peuple  algérien.  La “reconfiguration de la scène politique”, thème récurrent dans la littérature politique nationale, sera la conséquence de la démocratisation du pays, et non des  manœuvres  obscures  conçues  dans  quelques  officines  secrètes  du système. Les vieilles méthodes de la police politique ne sont plus opérantes dans l’Algérie du 22 février. 
 

Propos recueillis par : KARIM KEBIR

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