Économie Créances douteuses et faiblesse des crédits aux entreprises

Le constat négatif de la Cour des comptes sur la Cnep-Banque

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Meziane RABHI Publié 12 Janvier 2022 à 11:02

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En 2019, les crédits accordés par la Cnep-Banque dans le cadre de son activité de banque commerciale s’élèvent à 626,05 milliards de dinars, dont un quart environ sont des créances douteuses, selon la Cour des comptes. 

La Caisse nationale d’épargne et de prévoyance (Cnep), dont la mission initiale était la mobilisation et la collecte de l’épargne, a entrepris, à partir de 2011, un redéploiement stratégique de manière à diversifier son portefeuille de clients, notamment en développant sa position sur le marché du financement des entreprises, en plus des crédits aux particuliers et du financement de l’immobilier. Le contrôle de la Cour des comptes relève que peu de progrès ont été réalisés en vue du développement de ces nouvelles activités à forte valeur ajoutée. 

“La Cnep-Banque est restée cantonnée dans ses activités traditionnelles, à savoir le financement de l’immobilier, en dépit des moyens d’action dont elle dispose, notamment une dotation solide en fonds propres, un vaste réseau d’agences et un système informatique entièrement intégré”, souligne la Cour des comptes dans son rapport annuel 2021, dont Liberté détient une copie. Le document fait remarquer que les crédits hypothécaires et les crédits consortiaux représentent, à fin décembre 2019, une part de 82,7% des engagements de la banque et génèrent 68,53% de ses revenus (intérêts), alors que les prêts accordés aux entreprises ne représentent qu'environ 2,5% de l'ensemble des créances sur la clientèle, avec des revenus d’une proportion d’à peine 1,5% des produits d'exploitation bancaire. 

Selon la Cour des comptes, “la concentration des activités de la banque sur la distribution de crédits consortiaux et des crédits hypothécaires, ainsi que le niveau relativement élevé des créances douteuses, constituent un facteur de risque non négligeable pour son équilibre financier et sa pérennité”. Le contrôle effectué par la Cour des comptes en 2019  visait, d’une part, à déterminer si l’objectif de la création de la Cnep-Banque avait été atteint suite à sa transformation, en 1997, de la Caisse d’épargne en société anonyme et, d'autre part, à apprécier l’utilité de la recapitalisation mise en place par le Trésor en faveur de la banque, pour permettre à celle-ci de se mettre en conformité avec la réglementation prudentielle et de mieux atteindre les objectifs stratégiques qu'elle s'est fixés. Les données comptables ont été actualisées en se basant uniquement sur les états financiers relatifs aux exercices 2018 et 2019. La Cour des comptes a constaté que des mesures appropriées n’avaient pas été prises pour la mise en œuvre intégrale et efficace du plan stratégique. 

Recapitalisation 
La Cour des comptes indique qu’en 2015, la banque ne satisfaisant pas aux exigences réglementaires en matière de solvabilité, le Trésor public est intervenu en procédant à une importante recapitalisation de 32 milliards de dinars, afin de rétablir le niveau de fonds propres éligibles en couverture de la solvabilité de la banque. Le capital social a été porté de 14 milliards de dinars à 46 milliards. Toujours en matière de ressources, le rapport fait ressortir que les dépôts des ménages représentent presque la totalité des ressources émanant de la clientèle (avec une part de presque 100% du total des dépôts), mais en légère baisse de 0,86% en 2019 par rapport à l'année précédente. 

Le montant de ces dépôts est resté globalement stable pendant les années 2018 et 2019, de l'ordre de 1 260 milliards de dinars environ. Dans l'actif du bilan, les créances sur la clientèle montrent l’absence des concours bancaires et des lignes de crédit d'exploitation accordés aux entreprises. “C’est une activité, pourtant, à forte rentabilité et à revenus permanents”, estime le Cour des comptes. À fin 2019, note le rapport, les prêts contractés par les PME et les grandes entreprises des secteurs public et privé ont atteint 411 milliards de dinars et 259 milliards de dinars respectivement. L’encours des prêts consentis aux ménages totalise 454 milliards de dinars, soit 40% du volume total. 

Les engagements de la banque sont constitués principalement de crédits hypothécaires et de crédits consortiaux. Ces deux types de crédits représentent 84,11% de l’engagement global à fin décembre 2019 ; en 2017, ce taux était de 82,7%. Les montants des prêts accordés aux entreprises et aux promoteurs sont faibles et ne représentent que 2,5% et 12,55% de l'encours total. 

Créances douteuses…
En 2019, relève le rapport, “hormis les interventions dans le cadre des crédits syndiqués, les crédits accordés à la clientèle, dans le cadre de l’activité de banque commerciale, s’élèvent à 626,05 milliards de dinars (55,69% des engagements), dont un quart environ (24,35%) sont des créances douteuses”. L’encours douteux, fait remarquer la Cour des comptes, “est passé de 101,47 milliards de dinars à 152,47 milliards de dinars en 2017-2019”. S’agissant des crédits particuliers, “le niveau des créances douteuses a atteint des taux importants : crédits hypothécaires (16%), crédits véhicules (33%), même le personnel de la banque se trouve concerné avec un taux de créances douteuses de 92%”, lit-on dans le rapport. Les crédits consentis aux promoteurs immobiliers et aux entreprises sont également de mauvaise qualité, les taux respectifs de créances douteuses atteignant 46% et 32%. 

Selon la Cour des comptes, “les provisions sur créances douteuses sont passées de 51,83 milliards de dinars en 2017 à 71,96 milliards de dinars en 2019, reflétant une détérioration des risques”. Les résultats nets enregistrés, ces trois dernières années, relève le rapport, n'ont pas permis à la banque d'augmenter sensiblement ses capitaux propres, qui n’ont pas dépassé les 98,95 milliards de dinars en 2019, soit une hausse de 1,5% par rapport à 2018, pour pouvoir, notamment, consolider son assise financière et faire face aux futurs engagements, en tenant compte des impératifs des normes prudentielles. Pour la Cour des comptes, “la transformation du statut de la banque en 1997 et sa recapitalisation n'ont pas apporté les résultats escomptés. Vu la nature des activités et le portefeuille, les risques d'une nouvelle recapitalisation, à moyen terme, sont loin d'être négligeables”. 

Réponse de la CNEP-Banque
Dans sa réponse, intégrée dans le rapport de la Cour des comptes, le directeur général de la Cnep-Banque indique que les financements hors habitat ont atteint, à la clôture de l’exercice 2020, plus de 500 milliards de dinars, soit 46% du total des encours crédit de la banque. Les revenus tirés en 2020 des financements hors habitat accordés dans un cadre consortial à des entreprises publiques et privées s’élèvent à plus de 28 milliards de dinars, soit 52,62% des revenus des financements accordés. 

Les bénéfices nets cumulés de la banque des cinq derniers exercices ont atteint 35 milliards de dinars. Le directeur général de la Cnep-Banque reconnaît que le nombre d’entreprises économiques domiciliées au niveau de ses guichets, ainsi que le volume d’affaires développé avec ces entités demeurent faibles comparativement à ceux enregistrés par d’autres banques publiques. Ces dernières, souligne-t-il, ont développé, depuis leur création, leur core business autour du financement des entreprises publiques et privées, en mettant à leur disposition l’ensemble des produits et services autorisés dont, entre autres, le financement des opérations de commerce extérieur.

 


Meziane Rabhi 

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