
L'ancien directeur du journal arabophone El Khabar Rezki Cherif s’est éteint, dans nuit de dimanche à lundi, à l’âge de 58 ans, des suites d'un arrêt cardiaque. Une disparition prématurée d’une grande plume qui a fortement ébranlé ses amis, ses collègues et ses confrères.
La presse algérienne est, une fois encore, en deuil. Après la disparition de Mouloud Achour puis de celle de Merzac Bagtache, c’est au tour de Cherif Rezki de tirer sa révérence. “C’est au quotidien Echaâb qu’il a fait ses premiers pas dans la presse, et moi j’étais à l’hebdomadaire El Adhouaa.
L’idée de fonder le premier journal arabophone de la presse privée est venue à l’ouverture démocratique dans la fin des années 80 et la naissance de la presse privée”, se rémémore Smati Zahreddine, P-DG et cofondateur du journal El-Khabar. Très affecté par la disparition de son ami de longue date, Smati Zahreddine est revenu sur la période difficile du lancement du journal.
“Il avait relevé le défi ! C’était un bosseur, en plus d’avoir beaucoup de valeurs humaines”, témoigne-t-il. “C’était une personne très dynamique avec qui nous avons beaucoup appris. Un homme à principes. C’est quelqu’un qui défendait les valeurs justes en plus d’être très honnête”, ajoute-t-il. Kamal Djouzi, membre du conseil d’administration d’El Khabar, a qualifié Cherif Rezki de “bosseur”, fort d’“une vision idéaliste de la conception de la presse algérienne”, mais aussi d’“électron libre”. Ancien dirigeant, lui aussi, du journal El Khabar, M. Djouzi a rappelé les pressions exercées par le pouvoir pendant toute la période où Rezki Cherif était à la tête d’El Khabar. “Ses réactions à ces provocations ont marqué plus d’un”, dit-il.
De son côté, Ahmed Baghali, rédacteur en chef d’El Khabar, n’a pas tari d’éloges sur son ancien directeur en le présentant comme un “homme courageux”. Et il sait de quoi il parle lui qui a travaillé avec Cherif Rezki pendant cinq années très difficiles en raison de ce qu’il a appelé “l’épisode Grine”. Le souvenir qu’il a gardé de Cherif Rezki ? “Une personne rigoureuse”, se rappelle-t-il. Et à Baghali de raconter un trait de personnalité du défunt : “Ceux qui ne connaissaient pas Cherif Rezki penseront, peut-être, que le mois le plus difficile pour lui est le ramadhan, surtout que c’était un fumeur et quelqu’un de nerveux. Mais à chaque jeûne, c’était la paix pour nous car il devenait, paradoxalement, très calme.” Ses collègues n’ont pas oublié de souligner que Cherif Rezki était un grand amateur de football.
“Il pouvait se tromper sur tout sauf sur les noms des joueurs ou les résultats des matchs !”, se rappelle l’un d’eux. Mohamed Amarouche, directeur de l’administration générale d’El Khabar, a également été bouleversé par la nouvelle. “Nous avons fait l’université ensemble avant de rejoindre la presse en 1985, où nous travaillions à la rubrique sportive. C’était un ami intime, nous ne nous sommes jamais séparés. Même pendant le Hirak, nous marchions ensemble”, nous dit-il, avant d’ajouter : “C’était quelqu’un d’authentique et de droit qui ne badinait jamais avec ses principes.”
Le journaliste Hamid Ghomrassa a, lui aussi, rendu un grand hommage à son ancien “patron’’, en le qualifiant de “grand professionnel, correct et engagé” qui “s'est battu avec courage et dignité durant sa carrière de journaliste, mais aussi du temps où il était responsable du quotidien El Khabar”, dit-il. Sur les réseaux sociaux, de nombreux confrères et amis lui ont rendu un vibrant hommage. “Quelle triste nouvelle !”, lâche l’écrivain et journaliste Lazhari Labter sur son compte Facebook.
Ahmed Cheniki, journaliste et chercheur universitaire, a exprimé sa tristesse, non sans porter au pinacle le grand professionnalisme de Cherif Rezki qu’il a présenté comme un journaliste qui “ne confondait pas ses engagements politiques et sociaux avec l’écriture journalistique qui exige de la distance avec les faits, les êtres et les événements. Il usait d'un style d'une grande clarté et d'une extrême fluidité, ne s'empêchant pas quelque trait d'humour et un brin de dérision”.
Imène AMOKRANE