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“Pour un partenariat dynamique et durable”

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Rédaction Nationale Publié 02 Mars 2021 à 08:46

Par : EL HADI MAKBOUL  
Expert international Ancien D.G du CENEAP*

 

 

 

 

Les pays de l’Union européenne doivent en cette période réviser fondamentalement leur stratégie de partenariat avec l’Algérie sur la base d’une nouvelle approche et d’une vision régionale rénovée et élargie dans le cadre d’une prospérité partagée, principe si cher au processus de Barcelone.”


1- L’urgence d’un partenariat régional dynamique et durable         
Au-delà de la spécificité de leur espace économique naturel, les pays du Maghreb et l’Algérie souffrent de la confrontation des regroupements qui ont donné naissance aux grands espaces régionaux. Ils souffriraient encore plus si la tendance à l’accentuation des déséquilibres et des écarts devait persister du fait notamment des politiques protectionnistes européennes et de la crise économique et sanitaire mondiale qui s’accentue à la faveur de la pandémie de la Covid-19.

Aussi, après les échecs successifs du processus de Barcelone, de l’Union pour la Méditerranée et notamment de l’Accord d’association conclu en 2002 avec l’Union européenne dans des conditions particulières marquées par des raisons conjoncturelles et politiques visant notamment à faire sortir l’Algérie de son isolement (politique, diplomatique et économique) sur la scène européenne et le forcing de la présidence de la République algérienne de l’époque à vouloir parapher l’accord sans aucune condition préalable.

À cet effet, la prospérité partagée, notion si chère aux pays de l’Union européenne s’est transformée en cadeau pour la France et l’Europe avec des pertes colossales et déséquilibre en 15 années d’application de l’accord. En effet, durant cette période le partenaire européen a réussi à vendre à l’Algérie 310 milliards USD de marchandises, et ce dernier n’a acheté que 15 milliards de dollars de produits algériens et cela sans compter les transferts de toute nature des nationaux représentés notamment par l’évasion fiscale, les transferts financiers illicites, les investissements et l’acquisition de biens en Europe et en France, les transferts parallèles de la devise, les frais médicaux qui représentent des sommes colossales transférées annuellement. 

Face aux conséquences douloureuses du poids de la crise économique et sanitaire mondiale et  l’accentuation du chômage, de la pandémie de coronavirus et des flux migratoires, la coopération par l’impulsion d’un partenariat régional durable reste la réponse la plus sûre et la mieux adaptée comme elle à réussi à le faire auparavant avec l’Espagne, le Portugal et les pays du Nord de l’Europe et d’œuvrer à réunir rapidement les conditions de la stabilité économique, sociale et politique de la région face aux différentes crises et tensions régionales qui se développent en Libye, au Niger et au Mali et des effets désastreux de la Covid-19, et qui est devenue rapidement une zone à risque, menaçant la stabilité de toute la région y compris l’Europe, le Maghreb et la partie sud du Sahel.

2- La mise en œuvre d’actions concrètes et opérationnelles 
Dans le but de renforcer et de reformuler les fondements mêmes du partenariat avec l’Europe, les avis d’experts sur la question convergent notamment sur la mise en œuvre d’actions concrètes opérationnelles et durables de partenariat à différents niveaux élargies à tous les pays d’Europe notamment : la France, l’Italie et l’Espagne. Parmi ces actions, les principales cibleront les domaines stratégiques suivants : 

Au plan sécuritaire 
La stabilité de la région tout entière doit demeurer l’axe central et incontournable de ce partenariat stratégique à travers :
- La détermination d’une zone sécuritaire élargie (Europe-Maghreb-Sahel) confortée par une assise démocratique forte et par l’apport de tous les acteurs.
- Le contrôle et la maîtrise des flux migratoires  et de leurs origines avec un soutien économique et social aux zones de départ de ces flux.
- La lutte contre le terrorisme, la traite des personnes, l’immigration clandestine, la drogue et le trafic des armes.
   
Au plan institutionnel 
Le renforcement de ce partenariat par la création d’institutions chargées du développement et de la promotion de cette région par :
- La création d’une institution permanente chargée de la gestion des programmes de développement économique et social. Avec la mise en place de mécanismes de coopération et de financement souples, elle pourrait également développer une capacité d’actions et de propositions permanentes autour d’organisations de réflexion spécifiques et d’expertises.
- La création d’organes d’analyse et d’étude chargés de l’évaluation et du suivi des programmes de développement ouverts aux experts et compétences des deux rives.

Au plan financier 
L’urgence de la mise en place d’une banque régionale d’investissement et de développement tant attendue reportée par la partie européenne, avec l’identification de projets stratégiques et intégrateurs et le recours à des financements mixtes, et ouverte aux compétences et expertises des deux rives pour sa gestion et son animation et aux entreprises privées désireuses*d’investir ou de délocaliser leurs activités. 

Au plan économique 
Des actions concrètes devront être menées après un audit global dans le but d’entamer une première mise à niveau du secteur économique algérien et ce, à travers : 
- Un appui réel aux programmes des réformes et de mise à niveau engagés dans les différents secteurs industriels et agricoles et des services.
- La reconversion en participation dans le cadre de la privatisation des entreprises publiques performantes ou d’opérations de partenariat.
- L’implication des différents partenaires sur les questions primordiales liées à l’éducation, à la santé, à la formation et à la lutte contre la pauvreté, le chômage, les migrations… 
- L’encouragement de projets d’investissements directs, notamment à travers les PME, et de projets structurants dans certains secteurs-clés, agricoles, industriels, énergétiques et médicaments, et l’allègement des procédures d’implantations des entreprises.    

Aux plans social et humain 
L’intégration du volet humain dans la politique de partenariat avec l’Europe est aujourd’hui nécessaire à travers :
- La modernisation et la mise à niveau des structures sociales de base (santé, sécurité sociale, retraite, emploi et chômage).
- La mise à niveau des systèmes éducatifs, de formation, de recherche et de développement de nouvelles technologies et d’innovation.
- L’adoption de programmes de lutte contre les différentes formes de pauvreté, d’exclusion et de chômage.
- La mise en œuvre et le soutien des politiques en direction de la jeunesse et la lutte contre la drogue.
- La proposition d’un nouveau système de circulation des personnes et la lutte contre les flux migratoires et l’immigration clandestine.
  
La recherche de nouvelles pistes pour relancer le processus de partenariat avec l’Union européenne 
Ainsi, face à l’urgence d’instaurer un véritable partenariat régional de manière effective et durable avec l’Algérie, de nouvelles pistes devront être examinées et développées dans le souci d’une meilleure intégration régionale plus cohérente et opérationnelle et soumise à des évaluations périodiques par des institutions mixtes qui doivent être créées à cet effet.

Piste 1 : le financement du développement
Cette action vise à soutenir le décollage économique de l’Algérie en traitant efficacement les thèmes et projets porteurs relatifs à la relance de l’économie et du développement, en créant les conditions d’un accroissement du volume des investissements étrangers et surtout européens, en élaborant des stratégies d’encouragement et de mobilisation des capitaux et le développement de l’épargne locale et des capitaux mixtes et surtout en mobilisant et en récupérant les capitaux issus des évasions fiscales, des transferts financiers illicites et de la corruption dissimulés dans les banques européennes et des fonds d’investissement.
   
Piste 2 : le partenariat technologique et le développement local 
Ils constituent un instrument privilégié car la maîtrise des savoirs et des connaissances conditionne l’accroissement de la productivité et donc la compétence et la performance des économies. 
De même que du transfert efficace des technologies et de la création de systèmes locaux d’innovation dépendent la dynamisation des systèmes productifs locaux ainsi que le développement régional. 
Il convient donc de prévoir des mécanismes de coopération effective en vue de mettre sur pied un véritable partenariat technologique à divers niveaux : entreprises, universités, collectivités locales et experts, avec des approches nouvelles de participation, de décentralisation d’ouverture et de partage.

Piste 3 : la libre circulation des personnes
La circulation ordonnée des personnes et notamment des élites et hommes d’affaires et experts apparaît comme un axe central. Il est nécessaire de mettre en place les mesures et les moyens adaptés pour que le partenariat ne soit pas privé de sa dimension humaine, car ce partenariat vise avant tout à développer des échanges entre les personnes des deux rives et ce, à travers des actions complémentaires de rapprochement et d’intégration bénéfiques pour toutes les parties, tout en luttant contre les flux migratoires et l’immigration clandestine.

Piste 4 : la réforme du processus et des instruments de partenariat 
L’Union européenne doit s’éloigner de ses visions bureaucratiques conçues par ses fonctionnaires de Bruxelles et s’orienter surtout vers l’instauration d’un vrai débat sur les politiques économiques et sociales, à mener sur les aspects humains et sociaux de la transition et sur la coopération agricole et énergétique et environnementale à mettre en place. 

Face à ce manque d’engagement vis-à-vis de son principal partenaire de la rive Sud, il est clair que l’Union européenne devra s’atteler résolument à la mise en œuvre d’instruments nouveaux de partenariat et apporter son appui aux mesures destinées à rendre la région plus attrayante pour les investisseurs et les porteurs d’idées et de projets en particulier en créant une dynamique nouvelle et un marché plus vaste et ouvert, en encourageant l’alignement sur les politiques de l’Union européenne relatives au marché intérieur, en améliorant le cadre réglementaire, en assurant un traitement loyal et équitable des investisseurs et partenaires algériens, en sensibilisant les milieux et acteurs économiques concernés de l’Union européenne aux possibilités d’investissement et potentialités de l’Algérie et en rejetant définitivement la vision commerciale et de profit à court terme qui empêche tout dialogue et toute avancée sereine sur ces questions de développement

Piste 5 : l’identification des actions prioritaires et des projets porteurs 
Vingt ans après le début de la signature de l’accord d’association, le moment est venu de finaliser des actions concrètes et durables, sur la base d’un bilan exhaustif des relations économiques et sociales avec l’Union européenne. 
Parvenir à surmonter la stagnation et l’échec des relations économiques et sociales implique d’identifier un certain nombre de priorités et d’actions visant à :
• Resserrer les rapports et renforcer la confiance dans le cadre du dialogue politique, économique et social élargi, en dépit des difficultés existantes et des crises multiples survenues au cours de la dernière décennie. 
• Renforcer le rôle de l’Union européenne en tant que stabilisateur du processus de transition économique et sociale.
• Rendre le partenariat avec l’Union européenne plus visible, plus dense et plus proche des besoins et réalités de l’Algérie et de sa population en mettant l’accent sur la formation et le développement humain. 
• Apaiser les tensions et conflits de la rive Sud notamment celles liées aux pays du Sahel et à la Libye, aux flux migratoires et la lutte contre la drogue et le trafic d’armes.
• Renforcer et soutenir les politiques démocratiques en cours, notamment celles relatives à la modernisation du mode de fonctionnement des institutions et la promotion des libertés publiques.

Piste 6 : le développement d’un partenariat effectif et durable 
L’élargissement de l’Union européenne vers l’Est a provoqué chez la plupart des pays du Sud un sentiment d’exclusion. Ce sentiment se matérialise par une préférence politique et économique en faveur des pays de l’Europe centrale et orientale intégrés à l’espace européen, et ce, par l’injection de différents programmes de mise à niveau et de relance dans tous les domaines L’un des principaux défis qui se posent à l’Union européenne est sa capacité à générer des synergies entre l’élargissement vers l’Est et un partenariat effectif avec les pays du Sud dont l’Algérie. Il faut donc rechercher la complémentarité d’une interdépendance entre élargissement et partenariat vers le Sud, deux processus destinés à garantir la stabilité et la sécurité de la future grande zone euro-méditerranéenne et sahélienne.

Piste 7 : le soutien en matière de réformes économiques et sociales 
La première étape du processus de Barcelone devrait permettre le soutien à la mise en œuvre de réformes politiques, économiques et sociales.
L’Union européenne doit donner aujourd’hui le signal politique nécessaire, un signal fort et doublé de propositions concrètes capables d’inspirer la confiance et d’engager définitivement la région vers un développement durable et un soutien effectif aux réformes politiques économiques et sociales et de relancer ainsi le processus de partenariat sur des bases établies fortes et d’avenir.

Piste 8 : l’intégration de l’agriculture dans le nouveau projet de partenariat et la recherche de l’indépendance alimentaire
Cette nouvelle approche devra inclure à un moment donné les produits agricoles si elle veut gagner une certaine crédibilité et être cohérente avec les intentions libéralisatrices qui l’animent. L’Union européenne devrait progresser vers la libéralisation du commerce agricole dans le cadre d’une révision de la politique agricole commune, car tout progrès dans cette direction contribuerait au nécessaire cercle “vertueux” des relations euro-méditerranéennes, dans la mesure où il susciterait un sentiment positif envers ce nouveau partenariat parmi d’importants groupes sociaux. Cela aurait pour effet de créer un climat de soutien, d’échanges et d’adhésion au partenariat avec les agriculteurs des 2 rives et permettrait de véhiculer des investissements des pays européens vers les secteurs agricole et agroalimentaire et développer ainsi une véritable politique agricole euro-méditerranéenne commune et faire un pas important vers une véritable indépendance alimentaire de l’Algérie et de la région.

Piste 9 : la promotion des investissements et du commerce
L’une des manifestations les plus stigmatisées et des causes de la stagnation du processus de partenariat avec l’Union européenne est le très faible taux d’investissement que reçoivent la plupart des pays du Sud et l’Algérie : moins de 1% des investissements étrangers directs du monde entier.
L’élan à donner aux investissements et au commerce, qui devraient constituer la base du processus de partenariat avec l’Algérie, rend nécessaire une action résolue d’un engagement vis-à-vis des réformes et de l’adoption de mesures concrètes susceptibles de faciliter l’intégration économique, action qui doit se matérialiser par la promotion des investissements dans les différentes filières et la délocalisation vers l’Algérie de certaines activités économiques saturées ou transférées en Asie. 

Piste 10 : la révision et la réforme des instruments de financement 
Parmi les mesures à adopter, la priorité doit être accordée à la nécessité de revoir et de réformer en profondeur les systèmes de financement. 
Dans le cadre du programme MEDA, ce partenariat ne bénéficiait qu’aux bureaux européens depuis son lancement. Il serait utile de l’adapter aux projets les plus porteurs – éducation, santé, amélioration des infrastructures et de gouvernance et dont on peut escompter un retentissement économique et social majeur et un transfert réel du savoir et un impact sur le développement, l’emploi et la croissance en Algérie.

La création d’un nouvel instrument financier visant des objectifs spécifiques, instrument qui pourrait prendre la forme d’une banque de développement régional avec une participation financière commune, est une proposition à méditer. L’existence d’un établissement financier avec ses caractéristiques et sa vocation pourrait contribuer à intensifier les échanges par le financement commun de projets concrets et avoir des effets multiplicateurs sur l’ensemble du processus de développement du partenariat.

Toute révision du financement devrait avoir pour objectif prioritaire la création de petites et moyennes entreprises, car ce sont elles qui génèrent le plus d’emplois, notamment des segments les plus jeunes de la population en âge de travailler en vue de mieux les intégrer dans leur pays et de stopper ainsi les flux migratoires des jeunes vers l’Europe.

Piste 11 : la promotion d’un marché régional 
Cette nouvelle approche de partenariat devra encourager également l’élargissement et la promotion d’un marché régional ouvert et prospère accessible à toutes les parties prenantes et à leurs produits avec des règles modernes, attractives et consensuelles, renforcées par des plateformes spécialisées dédiées au développement de ce marché.

Piste 12 : le développement d’une approche environnementale intégrée
Asseoir une véritable politique de coopération et de partenariat régional homogène et durable en matière de protection de l’environnement et des changements climatiques axée notamment sur la lutte contre la pollution sous toutes ses formes, les impacts négatifs des changements climatiques.
L’adaptation aux changements climatiques ne pourrait à ce stade se développer sans une approche décentralisée qui ciblerait les territoires en visant à réduire la pollution et ses effets en relation avec les secteurs qui partagent cette préoccupation (énergie, agriculture, forêts, industrie…). 
Par ailleurs, les politiques de gestion des déchets, de pollution marine, de protection des espaces… constitueront des axes prioritaires de partenariat qui permettront de faire engager une approche régionale.

Conclusion  
Face aux multiples dysfonctionnements relevés dans la mise en œuvre de l’accord d’association avec l’Union européenne et l’échec des politiques économiques et commerciales menées depuis 2002 envers l’Algérie et notamment face à une forte concurrence dictée par les nouveaux rapports économiques mondiaux dans la région, accentuées notamment par la percée et l’offensive de la Chine et à un degré moindre de la Turquie, de l’Inde, de l’Argentine et des États-Unis, l’Europe recule et demeure en attente, malgré son statut de principal fournisseur et partenaire historique de l’Algérie, où l’on a enregistré pour l’année 2019 une forte décroissance au profit d’autres partenaires.

Dans ce cadre, les pays de l’Union européenne doivent en cette période réviser fondamentalement leur stratégie de partenariat avec l’Algérie sur la base d’une nouvelle approche et d’une vision régionale rénovée et élargie dans le cadre d’une prospérité partagée, principe si cher au processus de Barcelone.

Enfin, l’Union européenne dispose aujourd’hui de tous les atouts et moyens pour développer, favoriser et soutenir ce grand partenariat régional millénaire, basé sur une histoire commune et sur des dimensions et des pistes concrètes complémentaires et réalisables dans l’intérêt des peuples de la région et de leur stabilité, loin des calculs géostratégiques de l’heure, dominés par les luttes entre les superpuissances mondiales et surtout par des égoïsmes qui ont caractérisé de tout temps cette coopération qui a souffert de l’absence d’une véritable vision dynamique et durable et d’un engagement sincère et réel de tous.

 

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