L’Actualité LA CRISE POLITIQUE S’EXACERBE SUR FOND DE DÉGRADATION DE LA SITUATION SANITAIRE ET ÉCONOMIQUE

La Tunisie dans la tourmente

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Amar RAFA Publié 26 Juillet 2021 à 23:19

© D. R.
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Dix ans après le “Printemps arabe”, la Tunisie, seul pays ayant réussi sa transition démocratique sans heurt, se retrouve plongée  dans  une grave  crise  politique, aggravée  par  la  situation  sanitaire  et économique.

Malgré un bras de fer depuis six mois entre le chef de l’État, Kaïs Saïed et le chef du Parlement, par ailleurs chef de file du mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi, à l’origine de la paralysie de l’action gouvernementale, sur fond de multiples défis, rien ne laissait présager cette tournure des événements : le renvoi du chef du gouvernement et le gel des activités du Parlement ouvrant la voie à une crise institutionnelle.

Au lendemain des décisions de Kaïs Saïed de limoger le chef du gouvernement, de geler le Parlement, de lever l’immunité des députés et de s’arroger le pouvoir exécutif, des affrontements ont éclaté hier devant le Parlement tunisien entre partisans du parti islamiste Ennahdha et ceux du président. 

Des heurts survenus devant le Parlement tunisien barricadé par l'armée, qui a aussi encerclé le siège de la présidence du gouvernement empêchant le personnel d'y accéder, selon les agences d’informations.  Plusieurs centaines de partisans du président Saïed et d'Ennahdha échangeaient des jets de bouteilles et de pierres devant le Parlement à Tunis, a rapporté l'AFP. Des klaxons ont également retenti dans les rues de Tunis, peu après cette annonce.   

“Selon la Constitution, j'ai pris des décisions que nécessite la situation afin de sauver la Tunisie, l'État et le peuple tunisien”, a déclaré Kaïs Saïed, à l'issue d'une réunion d'urgence au Palais de Carthage avec des responsables des forces de sécurité. Kaïs Saïed a bien tenté de rassurer que “ce n'est ni une suspension de la Constitution ni une sortie de la légitimité constitutionnelle, nous travaillons dans le cadre de la loi”, mais ses décisions ont eu pour effet immédiat de susciter la colère des adeptes du courant islamiste.

Le parti Ennahdha a fustigé “un coup d'État contre la révolution et contre la Constitution”, dans un communiqué publié sur sa page Facebook. La formation islamiste a souligné que ses “partisans (...) ainsi que le peuple tunisien défendront la révolution”. 

Rached Ghannouchi, qui nie avoir été consulté par le président de la République pour activer l’article 80 de la Constitution, a tenu un sit-in devant la porte cadenassée du Parlement depuis plusieurs heures, où il a été empêché d' entrer par les forces militaires. “L'armée doit protéger le pays et la religion”, a plaidé M. Ghannouchi en demandant l'ouverture de la grille d'entrée fermée à l'aide de chaînes.

“Nous sommes des militaires, nous appliquons les instructions. On nous a demandé de fermer le Parlement”, a répondu un militaire. “Soldats, officiers, nous vous demandons d'être aux côtés du peuple”, a exhorté  M. Ghannouchi.  Les services du Premier ministre Mechichi n'avaient toujours pas réagi à ces décisions.

Au lendemain de ces décisions, beaucoup de bruit a couru au sujet du sort réservé au désormais ex-chef du gouvernement Hichem Mechichi. Ce qui a nécessité des précisions des services de sécurité du pays disant qu’il n’a fait l’objet d’aucune procédure d’arrestation. Démis de ses fonctions, c’est le président Saïed qui le remplace au pied levé, prend les fonctions du ministère public, jusqu’à la désignation d’un autre chef de l’Exécutif, et après consultation, désignera les membres du gouvernement.   

Ce coup de théâtre du président Saïed est de nature à fragiliser la jeune démocratie tunisienne, donnée en exemple de réussite - sans effusion de sang - de transition post-révolution, mais qui vit une crise “structurelle”. Eu égard au conflit au sommet de l’état entre le président Saïed et le chef du Parlement Rached Ghannouchi, par le chef du gouvernement Hichem Mechichi interposé, la prise en charge des problèmes socio-économiques retardée. D’où l’exaspération des citoyens, dont beaucoup reprochent au gouvernement son manque d'anticipation et de coordination face à la crise sanitaire, dans un pays qui a l'un des pires taux de mortalité officiels au monde dans cette pandémie.   

En revanche, le président Saïed semble tirer son épingle du jeu. Ses décisions semblent donc s’inspirer des interpellations de la rue, dont les manifestations dans de nombreuses villes du pays dimanche, où les protestataires ont crié des slogans hostiles à Hichem Mechichi et à la formation islamiste qui le soutient. “Le peuple veut la dissolution du Parlement”, ont-ils scandé, prenant pour cible des locaux et symboles d'Ennahdha.

Les manifestants réclamaient, entre autres, un changement de Constitution et une période transitoire laissant une large place à l'armée, tout en maintenant le président Saïed à la tête de l'État. Et le président vient d’avoir un soutien de poids : celui du syndicat, UGTT. Ces “mesures exceptionnelles prises par le président de la République conformément à l'article 80 de la Constitution” visent à “prévenir un danger imminent et à rétablir le fonctionnement normal des rouages de l'État, au vu de l'épidémie de Covid-19”, a indiqué le syndicat dans un communiqué repris par l’AFP. “Il est temps” que les parties responsables de la situation “dégradée” dans le pays “assument leurs responsabilités” et  “mettent fin à cette ère qui a mis le feu à la Tunisie”, poursuit l'UGTT. Mais les incertitudes ne font que commencer. 
 

Amar R.

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