Magazine La révolution oubliée du Yémen

De l'espoir au drame humain

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AFP Publié 25 Janvier 2021 à 20:24

Conséquence d’une guerre qui dure depuis 10 ans, la population du Yémen au bord de la famine. © D. R.
Conséquence d’une guerre qui dure depuis 10 ans, la population du Yémen au bord de la famine. © D. R.

Dix  ans  après,  la  guerre  a  ruiné  les  aspirations  de  la  jeunesse  et engendré la pire tragédie humanitaire au monde.

Au Yémen, les morts, les déplacés, les épidémies et la famine ont fait oublier les espoirs fugaces de la révolution de 2011. Dix ans après, la guerre a ruiné les aspirations  de  la  jeunesse  et engendré la pire tragédie humanitaire au monde.  En  pleine émergence  du  Printemps  arabe, le 27 janvier 2011, des milliers  de personnes  manifestent  à  Sanaa  pour  demander  le départ du président Ali Abdallah Saleh, au pouvoir depuis des décennies.

C'est  le  point  culminant  de  la  révolution  yéménite, débutée  dès  la  mi-janvier. L'onde de choc partie de Tunisie avait rapidement atteint le pays le plus pauvre de la péninsule Arabique. “Le peuple veut la  chute  du régime”, scandent à leur tour les Yéménites. 

Ce slogan phare du  Printemps  arabe  est  alors  dans  toutes les bouches, après les 32 années cumulées de  pouvoir  du  président  Saleh, selon qui gouverner le Yémen était “plus difficile que danser sur des têtes de vipères”. 

Les  raisons  de  la  colère ?  “Les  fractures  de  cinquante  ans  de  sous-représentation politique, d'inégalités sociales, de pauvreté et de corruption, en plus des luttes identitaires”, explique à l'AFP Maged al-Madhaji, témoin de ce soulèvement et aujourd'hui directeur du Sanaa Center for Strategic Studies. 

Dans un pays très pauvre, entouré de riches monarchies pétrolières, la révolte des Yéménites est d'abord imprégnée de spontanéité et de pacifisme, se rappelle un de ses chefs de file, Yasser al-Raïni. “La révolution a réuni sur les places publiques  toutes  les  composantes  de  la  société  qui voulait  se débarrasser de l'injustice et bâtir un nouveau Yémen”, raconte ce militant à l'AFP. 

Dans un pays où presque tout le monde détient au moins une arme à feu, le mouvement, insiste Yasser al-Raïni, n'avait connu aucune violence avant l'intervention des forces de sécurité et des partisans du président. 
 
Rebelles et coalition étrangère 
Dix ans plus tard, le Yémen est plongé dans ce que l'ONU  a qualifié de pire crise humanitaire  au  monde,  avec  des  dizaines  de milliers de morts, des millions de déplacés et une population constamment au  bord  de  la famine. Depuis 2014, un conflit dévastateur oppose les forces gouvernementales aux rebelles houthis, soutenus par l'Iran.

Une coalition militaire dirigée par l'Arabie Saoudite intervient depuis 2015 pour appuyer le gouvernement,  en  exil  après  avoir  été  chassé  de Sanaa, la capitale. Aujourd'hui, Maneï al-Matari, autre  leader  de  la  contestation, se souvient que “le pouvoir personnel du président Saleh et sa volonté de voir son fils (Ahmed, qui commandait la Garde républicaine) lui succéder avaient uni les Yéménites contre lui”. 

Dès le 2 février, le président Saleh promet des réformes et de ne pas briguer un nouveau mandat  en 2013, mais  cela ne  fait  qu'enhardir  la contestation. “Les jeunes révolutionnaires n'avaient  aucune expérience politique. C'est là que les partis et ceux qui maîtrisent les outils de l'action politique sont entrés en jeu”, note Yasser al-Raïni. 

L'opposition parlementaire se joint à la contestation, qui s'étend au nord, d'importantes tribus épousent la cause des manifestants et de nombreux députés du parti au pouvoir, le Congrès populaire général, démissionnent. 
En février se met en place le sit-in de l'université de Sanaa, qui sera considéré comme l'épicentre de la révolution, à l'instar de la place Tahrir au Caire. 

Dix ans, dix kilos 
Le 18 mars, des partisans du président tirent sur les manifestants à Sanaa, faisant 52 morts. Quelques jours  plus  tard, l'un  des  principaux  chefs de l'armée, Ali Mohsen al-Ahmar, fait défection  et  des  dizaines  d'officiers se rallient à la contestation. Les chefs politiques affirment progressivement leur emprise sur le mouvement pendant que les rebelles houthis cherchent à en tirer profit. 

Grièvement blessé dans un attentat le 3 juin et soigné en Arabie Saoudite, le président Saleh finit par accepter fin 2011 de céder le pouvoir en vertu d'un plan de paix élaboré par les puissantes monarchies voisines. Il sera assassiné fin 2017 à Sanaa par les houthis, auxquels il avait fini par se rallier dans l'espoir de revenir aux affaires. 

“Les gens voulaient seulement voir l'avènement d'un autre système. Mais la récupération  de  la  révolte  par  les  partis  politiques  l'a  défigurée”, dit  le chercheur Maged Al-Madhji. “Tout cela  a  préparé  le  terrain  aux  combats ultérieurs”, estime-t-il. 

Ces dernières années, les photos  de  manifestants enthousiastes ont  laissé place à celles d'enfants rachitiques affamés, à l'instar d'Ahmedia Abdou, qui vit avec sa famille dans un camp de déplacés à Hajjah (nord-ouest). Elle a dix ans et pèse dix kilos. 

“Son père est mort il y a des années. Elle vit avec sa mère et son frère dans une maison en paille”, raconte à l'AFP l'un de ses proches.  Ahmedia souffre de malnutrition sévère, explique-t-il, mais “l'hôpital ne reçoit pas d'enfants malnutris de plus de cinq ans”. Elle n'a “nulle part où aller”. 
 

AFP 

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