Magazine Un siècle plus tard

Alfred Nobel fait encore parler la poudre

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AFP Publié 01 Octobre 2021 à 19:45

Le manoir de Bjoerkborn, où Alfred Nobel a vécu les dernières années de sa vie. © D.R
Le manoir de Bjoerkborn, où Alfred Nobel a vécu les dernières années de sa vie. © D.R

Le dernier laboratoire d'Alfred Nobel est toujours là, à un jet de pierre d'une vaste usine d’explosifs : en Suède, comme ailleurs dans le monde, l'héritage industriel du fondateur des célèbres prix fait encore des étincelles. Bienvenue à Karlskoga, ville de 30 000 habitants nichée dans les forêts du centre de la Suède, à mi-chemin entre Stockholm et Oslo. Père omniprésent : Nobel Alfred, pionnier des explosifs modernes et néanmoins philanthrope du progrès et de la paix, qui y acheta un manoir en 1894 et y passa une partie des deux dernières années de sa vie. Mère nourricière : l'industrie de défense et de l'armement, qui sur 3 km2 hautement stratégiques y produit ce que la Suède fait de mieux en matière de canons, obus, balles et explosifs. Ici, on fabrique fièrement depuis 1898 du “Nobelkrut” (NK) de la “poudre Nobel”, au son des tirs d'essai des obusiers qui rythment la journée comme la cloche d'une église. “La première poudre s'appelait NK01. Aujourd'hui, nous en sommes à la NK1420”, glisse Håkan Svensson, directeur commercial du site et fils et petit-fils d'employé. Deux ans avant sa mort et l'ouverture de son célèbre testament créant les prix, Nobel met la main sur l'entreprise Bofors, qui fabrique déjà des canons à Karlskoga. Après lui, son assistant et exécutant testamentaire, Ragnar Sohlman, reprend le groupe qui devient au XXe siècle le cœur battant du complexe militaro-industriel suédois. Aujourd'hui, Bofors a été scindée et vendue en plusieurs branches au tournant des années 2000, mais des milliers de personnes travaillent encore sur le site de Karlskoga. L'usine de poudres et explosifs appartient au Français Eurenco, leader européen du secteur. “On produit avec la même méthode qu'Alfred Nobel, juste de façon plus moderne et sûre”, résume Anders Hultman, chef de la production. “Avant, il y avait des gens pour balayer la poussière pour éviter des incendies. Maintenant, on a des ventilateurs automatisés et des tonnes d'eau peuvent tomber du plafond en quelques instants”, explique-t-il en faisant visiter les lieux. Ici, pas de grand bâtiment comme dans une vaste usine moderne. Pour raisons de sécurité, le site abrite une ribambelle de 600 bunkers et petits bâtiments, certains guère plus grands qu'une pièce pour deux ou trois personnes. Aujourd'hui encore, c'est toute la branche qui porte la trace ou la marque de Nobel. “Plusieurs de nos concurrents, notamment en Europe, sont liés à Alfred Nobel”, souligne M. Svensson. La vie du globe-trotter suédois (1833-1896) qu'on surnommait “le vagabond le plus riche du monde” s'est en effet étirée dans de nombreux pays : Russie, Allemagne, France, États-Unis, Royaume-Uni, Italie...

Nitroglycérine
Tant pour protéger ses précieux brevets que pour des raisons pratiques - la nitroglycérine présente dans la dynamite est très dangereuse à manier - l'inventeur a multiplié les sociétés un peu partout. Ses branches suédoises et britanniques se retrouvent aujourd'hui dans la multinationale de la chimie AkzoNobel, basée aux Pays-Bas. Fondée en 1865, la branche norvégienne a pour descendant DynoNobel, important fabricant d'explosifs civils. En Allemagne, l'usine fondée par Nobel près de Hambourg sur l'actuel emplacement d'une centrale nucléaire n'existe plus, mais sa descendante Dynamit Nobel Defence est active dans l'armement. Quant à la branche française, l'auguste Société générale pour la fabrication de la dynamite, elle a pour héritière l'entreprise d'explosifs civils TitaNobel. Si les applications civiles sont nombreuses, le site Bofors Eurenco de Karlskoga fournit par exemple de la poudre pour les airbags et ceintures de sécurité, le secteur de la défense reste un gros débouché. À l'image des contradictions du maître. Le créateur du prix Nobel de la paix, resté dans l'histoire comme l'inventeur de la dynamite, a aussi révolutionné la guerre moderne en mettant au point des poudres sans fumées. Malgré une sensibilisation pacifiste, il tentait toujours à la fin de sa vie de mettre au point des roquettes sur un pas de tir à San Remo en Italie. “Je crois que nous poursuivons l'idée d'Alfred Nobel qu'il est nécessaire d'avoir des productions militaires pour stabiliser le monde, pour qu'il reste sûr”, théorise M. Svensson. “Bien sûr en l'utilisant pour la défense, pas pour l'attaque”. 

 


AFP

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