Culture Maïssa Bey au festival national de la littérature et du cinéma de la femme

“Je n’ai jamais eu une vocation d’écrivain !”

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Hana MENASRIA Publié 15 Décembre 2021 à 08:43

© D.R
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Sincérité, partage et humanité sont les ingrédients qui font la réussite du Festival national de la littérature et du cinéma de la femme de Saïda. 

Lancée le 11 décembre, cette 4e édition inscrite sous le signe “L’autre regard”, questionne sur la place de la femme dans la société, ses droits et ses aspirations. Et pour évoquer ces thématiques d’une actualité brûlante– féminicide, violence faite aux femmes ayant pris de l’ampleur durant ces deux dernières années– Maïssa Bey a rencontré les Saïdiens, lundi, à la Maison de la culture et des arts de la ville. Devant une salle comble composée d’universitaires et d’étudiants, l’écrivaine s’est prêtée au jeu des questions-réponses, avec franchise et spontanéité sur son parcours, son combat et son écriture dédiée à la condition féminine et l’histoire du pays. Avant d’entamer sa communication, elle a rendu hommage à Hadj Miliani et a salué l’équipe du festival, premier du genre dans le pays, qui relie le cinéma à la littérature, cette “porte ouverte sur le monde”.

À propos des sujets abordés dans ses romans, elle souligne d’emblée qu’“on réduit souvent ‘Maïssa Bey’ aux personnages féminins !”. Alors que ses textes parlent aussi “d’amour, de détresse, de mort, de peine… Je m’intéresse à la condition féminine et mon combat est pour la reconnaissance des droits des femmes. Mais, je suis aussi interpellée par l’histoire du pays (colonisation, décennie noire…)”, insiste-t-elle. À ce sujet, elle a cité l’exemple de son roman Entendez-vous dans les montagnes, un texte sur la mort de son père lors de la colonisation. Cette rencontre a également été une occasion pour parler de son dernier livre Nulle autre voix (éditions Barzakh, 2018), qui raconte l’histoire d’une femme ayant purgé une peine de 15 ans de prison pour l’assassinat de son mari. “Pour ce roman, j’ai décidé de raconter l’inverse : une femme qui assassine son mari”, un acte qui cache des années de “soumission”, de “silence”, de “violence”… alors “elle se résigne à le supprimer”. Un acte qui dépeint la réalité de notre société patriarcale, dans laquelle la femme est sous l’emprise en premier lieu de la mère, du frère, de son environnement : “Une société qui ne lui a jamais appris à dire non, à se considérer comme un être à part entière qui jouit de tous ses droits fondamentaux”.

Comme le personnage de Nulle autre voix, cette violence engendre de la violence, et le mène à commettre un crime pour sa “liberté” et se “libérer” de son bourreau. Interpellée par la modératrice, Safia Djaoui, sur les féminicides, l’autrice de Surtout ne te retourne pas, se dit être “choquée” par le comportement de certains citoyens, qui arrivent à trouver des raisons qui “justifient ces mises à mort”. “Il faut que la société soit debout contre ce genre de choses et ce qui m’obsède est qu’il existe des femmes qui peuvent se réjouir de la mort d’autres femmes. C’est terrible”, regrette-t-elle. Concernant son écriture, la conférencière a raconté être entrée dans la littérature par “hasard”. “Quand je suis entrée dans la littérature, j’avais toute ma vie  de femme derrière moi”, mais son intérêt pour la lecture va la mener vers une autre voie. “Il a fallu certains événements pour me mettre à écrire. En fait, l’écriture m’est tombée dessus en raison de circonstances particulières”.

Nous sommes dans les années1990, et le chaos régnant a provoqué un “sentiment d’impuissance” chez Maïssa. “Que faut-il faire pour ne pas rester témoin silencieux ? Je pense que ce sont ces extrêmes qui m’ont poussée à raconter ces violences faites à l’Algérie”. Elle remet alors son premier texte à une amie, qui l’encourage à le publier : ce texte est l’histoire d’une jeune fille répudiée par son père, et “l’avortement que subit ce personnage est une métaphore de ce que l’Algérie a vécu à ce moment-là”. La jeune autrice, à cette époque, était loin de se douter qu’elle allait devenir l’un des plus grands noms de la littérature algérienne. “Je connais beaucoup d’auteurs ayant commencé l’écriture très jeune, et qui avaient la vocation d’écrivains. Me concernant, je n’ai jamais eu une vocation d’écrivaine !”. Pour l’ancienne professeure de langue française, l’acte d’écrire est réalisé sans préméditation, car quand elle plonge dans son histoire, elle n’aspire qu’à la raconter. “Je lis des livres où il y a une histoire, c’est ce plaisir que j’ai de l’écriture et de la lecture que je veux transmettre à la personne qui tourne les pages de mon livre”.

Le plus intéressant est de “raconter une histoire, mais bien sûr qui est mise en contexte avec une réalité sociale, politique, culturelle…”, indique-t-elle. La rencontre s’est poursuivie, entre autres, sur l’importance des langues, leur richesse et la nécessité de les préserver. Un bon moment de partage et d’échange avec le public saïdien, dont le festival de la littérature et du cinéma et de la femme, en a fait une légion…

 

 

De notre envoyée spéciale à Saïda : Hana Menasria

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