Magazine MIGRANTS NICARAGUAYENS

Des cours de natation pour aider à la traversée du Rio Grande

  • Placeholder

AFP Publié 13 Avril 2022 à 12:00

Le groupe de femmes se retrouve tous les dimanches matins pour suivre des cours à la piscine © D. R.
Le groupe de femmes se retrouve tous les dimanches matins pour suivre des cours à la piscine © D. R.

De nombreux migrants illégaux ont péri en tentant de traverser le Rio Grande, un fleuve appelé aussi Rio Bravo en Amérique latine, qui sert de frontière entre le Mexique et les États-Unis sur plus de 2000 km.

Deux rangées d'apprentis nageurs brassent vigoureusement l'eau de la piscine pour créer un courant que doit franchir Darling, une Nicaraguayenne qui s'entraîne pour traverser à la nage le Rio Grande, prendre pied sur la rive nord et entrer illégalement aux États-Unis. “Nous allons bientôt partir, ma fille et moi. C'est pour cela que nous avons décidé d'apprendre un peu” à nager, sinon “tu te retrouves dans l'eau et tu es en danger car tu ne sais pas comment t'en sortir”, explique Darling Molina, 38 ans.

De nombreux migrants illégaux ont péri en tentant de traverser le Rio Grande, un fleuve appelé aussi Rio Bravo en Amérique latine, qui sert de frontière entre le Mexique et les États-Unis sur plus de 2000 km. Depuis la répression sanglante en 2018 des manifestations contre le gouvernement du président Daniel Ortega, ils sont des dizaines de milliers de Nicaraguayens à vouloir émigrer aux États-Unis plutôt qu'au Costa Rica voisin, jusqu'ici destination traditionnelle des exilés du pays d'Amérique centrale.

Fuyant la crise politique, sociale et économique, 111 872 d'entre eux ont été interceptés à la frontière américaine entre janvier 2020 et février 2022, selon le Bureau des douanes et de la protection des frontières des États-Unis. Pour le seul mois de février 2022, 13 295 migrants nicaraguayens ont été arrêtés, contre seulement 706 il y a un an.

Peur
Le cours de natation est organisé dans la ville d'Esteli, à 150 km au nord de Managua. Fort de trente ans d'expérience, le maître-nageur Mario Venerio donne gratuitement des cours à ceux qui veulent émigrer vers le nord. Il enseigne surtout des techniques de survie et les gestes de premier secours. Ses cours ont été annoncés à la radio et sur les réseaux sociaux après qu'au moins quatre femmes sont mortes noyées en mars en tentant de franchir le Rio Grande.

“Avec ce cours, si un tragique accident arrive vous pourrez survivre” et aider les autres, explique le maître-nageur au petit groupe, composé en majorité de femmes célibataires, sans emploi ou dont le travail fournit à peine de quoi nourrir leurs enfants.

“Les cours de natation m'ont aidé à ne pas avoir peur”, reconnaît Martha Martinez, 42 ans qui veut “tenter sa chance aux États-Unis”. Le “coyote” (passeur) lui demande 5000 dollars, mais certains paient jusqu'à 14 000 dollars pour pouvoir traverser la frontière en avion, explique-t-elle.

Le voyage est financé grâce à l'aide de proches déjà à l'étranger, par des emprunts ou la vente de biens.

Maudit rêve américain
Les migrants nicaraguayens sortent du pays discrètement en bus par le Guatemala, où ils rencontrent les “coyotes” contactés auparavant par téléphone ou sur les réseaux sociaux. Là, ils sont cachés dans des véhicules, destination le Mexique puis la frontière avec les États-Unis. Sur le trajet, ils risquent accidents, agressions et enlèvements par des bandes criminelles.

Au bout du chemin, “nous devons affronter un grand obstacle, le Rio Grande. Beaucoup s'y sont noyés (...) ça me fait peur”, avoue Wilmer Sanchez, 36 ans, qui dit ne pas s'en sortir dans son pays. Bertha Calderon, une ingénieure de 32 ans et mère d'un enfant, sait que “beaucoup de personnes ont vécu des tragédies” sur la route, mais elle veut tout de même émigrer, car au Nicaragua “tout est cher et les emplois précaires”.

Tandis que le groupe s'entraîne, ailleurs dans la ville, la famille Rizo se lamente devant le corps de Neyli, une jeune femme qui s'est noyée le 5 mars en tentant de traverser le Rio Grande. “On a eu du mal à faire revenir le corps”, raconte Yoconda Rizo, une tante de la victime. Neyli voulait rejoindre son mari aux États-Unis. Ce dernier, qui n'a même pas pu venir assister aux funérailles, a commandé une couronne de fleurs blanches posée sur le cercueil.

La famille de Gabriela Espinoza, 32 ans, est aussi en deuil : cette dernière avait quitté le Nicaragua le 25 février. Elle est morte noyée dans les eaux du fleuve frontalier. Elle avait payé 6000 dollars aux “coyotes”, dont un supplément pour pouvoir traverser le Rio Grande en bateau. Mais les passeurs n'ont pas tenu parole...

Un pêcheur l'a secourue, mais n'a pu la ranimer. Sa mère Maria Pérez, 71 ans, l'avait pourtant suppliée de ne pas partir. Maintenant, 5000 dollars sont nécessaires pour rapatrier le corps : tout cela pour “un maudit rêve américain”.

AFP

  • Editorial Un air de "LIBERTÉ" s’en va

    Aujourd’hui, vous avez entre les mains le numéro 9050 de votre quotidien Liberté. C’est, malheureusement, le dernier. Après trente ans, Liberté disparaît du paysage médiatique algérien. Des milliers de foyers en seront privés, ainsi que les institutions dont les responsables avouent commencer la lecture par notre titre pour une simple raison ; c’est qu’il est différent des autres.

    • Placeholder

    Abrous OUTOUDERT Publié 14 Avril 2022 à 12:00

  • Chroniques DROIT DE REGARD Trajectoire d’un chroniqueur en… Liberté

    Pour cette édition de clôture, il m’a été demandé de revenir sur ma carrière de chroniqueur dans ce quotidien.

    • Placeholder

    Mustapha HAMMOUCHE Publié 14 Avril 2022 à 12:00