Magazine L’ANOMALIE DES “MAISONS DE RETRAITE” ET OCCIDENTALISATION DU PAYS

Au Cameroun, la douleur des parents abandonnés

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AFP Publié 30 Juin 2021 à 20:54

Marie Ebop Ndjock sur la véranda du centre d'accueil, à Douala, le 19 juin 2021. © D. R.
Marie Ebop Ndjock sur la véranda du centre d'accueil, à Douala, le 19 juin 2021. © D. R.

“Je  n'ai  personne.  J'ai accouché de quinze  enfants.  Parmi  ces  quinze enfants...” Marie Ebop Ndjock, 77 ans, ne  termine pas  sa  phrase.  Elle s'affaisse sur la table voisine et éclate en sanglots, la tête cachée entre ses bras.  

“Ça va Marie, ne pleure plus”, tente de la réconforter une jeune aide-soignante de “La référence”, un des rares centres  d'accueil  pour  personnes  âgées du Cameroun, situé dans la banlieue nord  de Douala, la capitale  économique de ce pays d'Afrique centrale de quelque 25 millions d'habitants.  

Marie relève la tête, les yeux baignés de larmes. “Les enfants me disent que je suis une sorcière, que je suis ceci, que je suis cela...”,  souffle-t-elle, la voix tremblante. “Ça me fait mal”. Les crises de Marie sont fréquentes. Le personnel de l'association Amour pour les personnes âgées du Cameroun (APAC), qui gère le lieu depuis sa création en 2017, est habitué. 

“Quinze enfants”, répète-t-elle. Et aucun pour prendre soin d'elle, à cause d'un contentieux familial sur le partage de ses biens, dans un  pays  où la solidarité familiale est un devoir et une obligation morale. 
 
“Occidentalisation de l'Afrique” 
“Au Cameroun, avoir une personne âgée dans son foyer est considéré comme une chance. La transmission des savoirs se fait oralement, d'une génération à une autre, l'expérience allant avec l'âge”, explique Moïse Tamekem Ngoutsop, sociologue à l'université de Bamenda.  “La maison de retraite est une incongruité dans la culture africaine”, rappelle-t-il, et sa création serait le fruit, selon lui, d'un “processus  d'occidentalisation de l'Afrique”.

Les huit habitants de la maison arrivent au compte-gouttes dans la salle à manger pour le déjeuner. Ils se déplacent difficilement, qui en fauteuil roulant, qui en déambulateur. Au menu du midi: du ndolé accompagné de manioc, le plat national camerounais. Des aides-soignants sont assis à côté de certains patients et les aident patiemment à porter la fourchette à la bouche.

À l'origine de “La référence”, il y a une vocation. “J'ai commencé à rendre ce service à 24 ans alors que je travaillais dans des hôpitaux où des personnes âgées se trouvaient souvent abandonnées ou maltraitées”, se souvient Florence Ndjassep, fondatrice et directrice de l'espace. “Ce sont des parents de patients qui m'ont demandé de m'occuper des leurs à domicile, puis j'ai pris conscience que le besoin était réel”.

“Certains étaient obligés de passer la journée enfermés, devant attendre toute la journée qu'un membre de la famille s'occupe d'eux pour manger, être lavés ou  soignés. C'est  de  là  qu'est  venue  l'idée  de  créer  un  centre  pour  les personnes âgées abandonnées”, explique-t-elle. 

En 2017, des bienfaiteurs aident le projet à émerger. Aujourd'hui, les dons représentent 60% des sources de financement. Le reste provient des familles des patients. La communauté religieuse aide aussi l'association grâce à des dons matériels.  

La prise en charge est gratuite pour les personnes qui n'ont personne pour les soutenir. Pour les autres, elle coûte 75 000 FCFA par mois (115 euros environ).  

Confinement strict
Puis la Covid-19 est arrivée. Le Cameroun, avec plus de 80 000 cas recensés et 1310 décès, est un des pays les plus touchés d'Afrique centrale. “Ça n'a pas été facile”, admet Mme Ndjassep. “Auparavant, on les emmenait parfois au restaurant, ou bien ils pouvaient assister à des matchs de foot sur le terrain du lycée, à côté de la maison. Depuis, la règle a été le confinement strict”, poursuit-elle. “Aucun cas de Covid n'a été détecté”, se félicite aujourd'hui la directrice, qui accepte de nouveau d'ouvrir les portes du centre d'accueil.

Un soulagement pour les occupants. Mme Ndjassep estime  que le centre a besoin de 600 000 FCFA (915 euros) par mois pour fonctionner. La demande augmente, estime-t-elle, dans  un  pays  qui a  vu l'espérance de vie passer, selon la  Banque mondiale, de  50 ans  en 2000 à 60 ans en 2020.   Elle dit recevoir  au  moins  cinq  candidatures   par  mois, mais   répond   rarement favorablement. 
 

AFP

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